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face à des difficultés qu’il ne croit pas insurmontables. Cette pensée l’honore il faut toujours louer les hommes et les pouvoirs publics de ne pas reculer devant la lutte : seulement, pour réussir dans cette tâche laborieuse, le pouvoir a besoin d’une grande fermeté dans ses vues et dans ses actes. En toutes choses, pour les réformes intérieures comme pour les questions de politique étrangère, il doit trouver et maintenir un véritable juste-milieu entre les manies d’innovation et les préjugés de la routine, entre la témérité et la faiblesse. Nous voudrions voir le cabinet résister de tous côtés, en haut comme en bas, ici à des exigences déraisonnables, là à des suggestions pusillanimes. C’est avec cette modération énergique qu’il triomphera des embarras extérieurs qui peuvent surgir d’un jour à l’autre.

En effet, sur plusieurs points et dans des pays qui nous sont limitrophes, il se passe des événemens considérables qui peuvent mettre en demeure notre politique de prendre un parti décisif. Assurément l’Italie n’est pas aujourd’hui moins agitée qu’elle ne l’était il y a vingt-sept ans, en 1820. Elle l’est même d’une manière plus profonde et avec d’heureuses différences. Aujourd’hui, dans plusieurs parties de l’Italie, dans le Piémont, dans la Toscane, à Rome, il n’y a plus de schisme entre les gouvernemens et les populations. Les idées libérales ne sont plus seulement représentées et servies par une minorité ardente, elles ont pénétré dans les conseils des gouvernans et dans les masses. Voilà qui change les données du problème dont l’Italie poursuit la solution depuis cinquante ans. En veut-on la preuve ? Il y a vingt-sept ans, c’étaient les représentans de la cause libérale qui conspiraient ; aujourd’hui c’est le parti rétrograde qui ourdit des complots pendant que les partisans d’une liberté sage marchent d’accord avec le pouvoir. Tel est le spectacle que Rome nous a présenté dans ces derniers jours. Après les démonstrations publiques amenées par la promulgation de la loi sur la garde nationale, on avait préparé à Rome une fête solennelle pour le 17, lorsque des rumeurs inquiétantes commencèrent à circuler. On parlait d’un conciliabule de sanfédistes, tenu pendant la nuit dans un quartier désert, aux abords du Capitole, et où s’élaborait un guet-apens dans le genre de celui de Parme. On signalait la présence dans la ville d’un grand nombre de centurions (volontaires), espèce de corps franc organisé en Romagne par le cardinal Bernetti après la révolution de 1834. Ces sicaires, nommés Faentini et Borghetini, parce qu’ils avaient été surtout recrutés dans le borgo de Faenza, arrivaient, disait-on, à Rome par petites bandes et par des routes différentes ; ils devaient se mêler à la foule assemblée dans la soirée du 17 pour l’inauguration d’un monument sur la place del Popolo, et, à un signal donné, se ruer sur le peuple aux cris de vive Pie IX, pour donner le change sur la cause du tumulte. Dans la journée du 15, on placarda sur les murs de la ville les noms d’une douzaine de personnes dont les antécédens bien connus pouvaient donner créance à l’accusation portée contre elles. Un des affiliés, arrêté par le tribun Ciciruacchio, fit des aveux, et, l’effervescence étant devenue générale, le gouvernement crut devoir contremander la fête. Bien qu’elle ne soit pas encore constituée, les princes romains demandèrent que la garde nationale fût appelée à veiller sur la tranquillité publique. Les quatorze rioni (quartiers) fournirent chacun cent hommes ; c’est tout ce qu’on pouvait armer pour le moment. Des postes furent improvisés ; des patrouilles formées à la hâte parcoururent les