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de Noé, d’Abraham, de Moïse, de Pythagore, du Christ et de Mahomet.

On voit que toute cette doctrine repose au fond sur une interprétation particulière de la Bible, car il n’est question dans cette chronologie d’aucune divinité des idolâtres, et Pythagore en est le seul personnage qui s’éloigne de la tradition mosaïque. On peut s’expliquer aussi comment cette série de croyances a pu faire passer les Druses tantôt pour Turcs, tantôt pour chrétiens.

Nous avons compté huit personnages célestes qui interviennent dans la foule des hommes, les uns luttant comme le Christ par la parole, les autres par l’épée comme les dieux d’Homère. Il existe nécessairement aussi des anges de ténèbres qui remplissent un rôle tout opposé. Aussi, dans l’histoire du monde qu’écrivent les Druses, voit-on chacune des sept périodes offrir l’intérêt d’une action grandiose où ces éternels ennemis se cherchent sous ce masque humain, et se reconnaissent à leur supériorité ou à leur haine. Ainsi l’esprit du mal sera tour à tour Eblis ou le serpent, Méthouzaël, le roi de la ville des géans, à l’époque du déluge ; Nemrod, du temps d’Abraham ; Pharaon, du temps de Moïse ; plus tard, Antiochus, Hérode et autres monstrueux tyrans, secondés d’acolytes sinistres, qui renaissent aux mêmes époques pour contrarier le règne du Seigneur. Selon quelques sectes, ce retour est soumis à un cycle millénaire que ramène l’influence de certains astres ; — dans ce cas, on ne compte pas l’époque de Mahomet comme grande révolution périodique ; — le drame mystique qui renouvelle à chaque fois la face du monde est tantôt le paradis perdu, tantôt le déluge, tantôt la fuite d’Égypte, tantôt le règne de Salomon ; la mission du Christ et le règne de Hakem en forment les deux derniers tableaux. À ce point de vue, le Mahdi ne pourrait maintenant reparaître qu’en l’an 2000.

Dans toute cette doctrine, on ne trouve point trace du péché originel ; il n’y a aussi ni paradis pour les justes, ni enfer pour les méchans. La récompense et l’expiation ont lieu sur la terre par le retour des ames dans d’autres corps. La beauté, la richesse, la puissance, sont données aux élus ; les infidèles sont les esclaves, les malades, les souffrans. Une vie pure peut cependant les replacer encore au rang dont ils sont déchus, et faire tomber à leur place l’élu trop fier de sa prospérité. Quant à la transmigration, elle s’opère d’une manière fort simple. Le nombre des hommes est constamment le même sur la terre. À chaque seconde, il en meurt un et il en naît un autre ; l’ame qui fuit est appelée magnétiquement dans le rayon du corps qui se forme, et l’influence des astres règle providentiellement cet échange de destinées ; mais les hommes n’ont pas, comme les esprits célestes, la conscience de leurs migrations. Les fidèles peuvent cependant, en s’élevant par les neuf degrés de l’initiation, arriver peu à peu à la connaissance de toutes