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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/724

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nous nous séparons, en bien des points, des opinions de l’auteur, en leur rendant cette justice, qu’elles sont aussi modérées que sincères, et que, par la manière même dont elles sont présentées, elle restent toujours sur ce terrain de la discussion scientifique, où l’on aime à trouver des amis pour adversaires.

Bien qu’il soit fort difficile de savoir précisément quelle est la véritable doctrine de saint Augustin et même la véritable doctrine de l’église sur la grace, bien que les cinq prépositions ressemblent plutôt à une énigme qu’à une définition, nous admettons volontiers que le jansénisme est hérétique, et, sur ce point, nous ne discutons pas ; car, lorsqu’il s’agit de certaines nuances dans les opinions religieuses, on cherche en vain à savoir au juste où commencent et où finissent les mystiques domaines de l’orthodoxie, et ce n’est pas à nous qu’il appartient de poser les bornes qui séparent le royaume des élus du royaume des réprouvés. Toutefois on peut être hérétique et très vertueux ; on peut scandaliser le curé de sa paroisse par des opinions hasardées et édifier ses voisins par sa chante et sa moralité, enfin, comme il n’y a, selon nous, entre l’Évangile et la théologie aucune espèce de rapport, on peut être à la foi un homme évangélique et un fort mauvais théologien C’est là, nous le croyons, l’histoire des jansénistes, et il nous semble que, pour les juger, M. Varin s’est placé trop exclusivement au point de vue catholique, au point de vue de l’orthodoxie. Sans doute il rend justice au caractère, au courage politique du grand Arnauld, à la charité, à l’énergie des femmes de cette famille, mais il se montre sévère à l’excès en ce qui touche leur participation aux affaires de leur secte et leurs efforts bien légitimes pour s’assurer quelques appuis au milieu des adversaires implacables dont ils étaient entourés. Il les voit, ce nous semble, beaucoup trop habiles et ne rend pas non plus suffisante justice au zèle qu’ils ont toujours déployé pour la réforme des mœurs, zèle qui, sans aucun doute, a contribué à les mettre en état d’hostilité avec la cour égoïste et licencieuse de Louis XIV avec la politique toute mondaine de la cour de Rome, des prélats et des dignitaires de l’église. Nous ajouterons, pour notre part, qu’il faut aussi savoir quelque gré aux jansénistes d’avoir été franchement gallicans bien avant la déclaration de 1682 : on nous répondra peut-être que le gallicanisme n’est encore qu’une hérésie mitigée, ce qu’on appelle aujourd’hui, dans certains séminaires, un schisme constitutionnel ; mais, à ce compte, comment trouver un juste dans Israël ? comment trouver dans le siècle de Louis XIV un seul docteur éminent sur lequel n’ait point soufflé l’esprit de révolte ? Et, si nous damnons les Arnauld parce qu’ils ont refusé de signer le Formulaire, nous damnerons Fénelon parce qu’il a défendu l’oraison de quiétude, et Bossuet parce