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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/756

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ne peuvent être décidées qu’après avoir été examinées successivement à Alger et à Paris ; mais, pour le plus grand nombre des détails d’administration, ils peuvent sans inconvénient être expédiés sur les lieux. Dans un pays où tout va si vite, il faut que l’administration marche vite aussi, sinon elle s’expose à voir peu à peu les faits s’établir en dehors d’elle et les intérêts chercher à lui échapper : situation anormale et dangereuse, qui ne peut produire que désordre et confusion.

Maintenant peut-on espérer que cet ensemble de mesures mettra fin à toutes les difficultés de cette grande et redoutable question d’Afrique ? Assurément non. De pareils problèmes ne sont pas de ceux qui se tranchent d’un seul coup. La nouvelle organisation n’est qu’un essai de plus tenté dans de meilleures conditions que les précédens, parce que l’expérience s’accroît tous les jours, mais qui a besoin de passer lui-même par l’épreuve difficile de la pratique. On fait ce qu’on peut pour parer aux inconvéniens connus ; quand d’autres inconvéniens se produiront, on essaiera d’y remédier encore. Ceux qui ont des recettes toutes prêtes et d’un succès infaillible sont bien heureux. Nous croyons, nous, que les affaires humaines sont plus difficiles, et nous sommes loin de nous étonner que le gouvernement marche pas à pas dans cette œuvre immense. Nous verrons probablement se produire encore une fois à cette occasion tous les systèmes qui ont été déjà présentés ; on les discutera, on les comparera de nouveau, et de cet examen naîtront, il faut l’espérer, quelques idées pratiques dont l’Afrique pourra faire son profit. En attendant, il faut féliciter le gouvernement d’avoir donné si vite une preuve de sa bonne volonté. C’est le ministère du 29 octobre, il faut le reconnaître, qui a achevé, par les mains de M. le maréchal Bugeaud, la conquête de l’Algérie ; il commence maintenant, par les mains de M. le duc d’Aumale, une autre entreprise : il va travailler à la fondation et à l’organisation du nouvel empire. Rendons justice aux premiers efforts qu’il tente dans cette voie, ayons bon espoir dans l’avenir par l’exemple du passé, et surtout ne perdons pas de vue que tout ne peut pas se faire à la fois.

Cette perspective nouvelle dans la question d’Afrique fera, il faut l’espérer, une diversion bien désirable à toutes les accusations dont on voudrait flétrir l’administration française. On l’oublie trop, notre époque échappe aux jugemens passionnés qui prétendent la caractériser d’un seul trait, d’un seul mot ; c’est montrer qu’on ne la connaît pas, ou que de dessein prémédité on veut la méconnaître, que de la comparer aux plus mauvais temps dont l’histoire ait gardé le souvenir. Il y a en effet dans la nature de nos institutions, dans la susceptibilité de nos mœurs, des garanties et des freins contre les déportemens, contre les élévations et les fortunes scandaleuses dont le passé nous offre le spectacle. C’est ce qu’a eu la bonne foi d’avouer, dans les dernières discussions de la chambre des pairs, un orateur dont la parole ne manque à coup sûr ni de décision ni de vivacité. M. de Montalembert a eu le bon goût de ne pas s’enrôler parmi ces déclamateurs violons et vulgaires qui ne peuvent plus parler ou écrire sans excommunier notre siècle : il n’a pas fait un réquisitoire contre la société, mais un discours sérieux d’opposition ; il a critiqué les résultats de la session et la politique du cabinet, qu’a défendus contre ses attaques M. le ministre des affaires étrangères. M. Guizot a profité habilement des avantages que lui faisaient dans ce débat les éternelles préoccupations de M. de Montalembert sur la liberté reli-