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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/781

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Bretagne ayant été pour la première fois soumise au parlement, Addington prononça en faveur de cette mesure un discours très développé et assez bien raisonné.

Ce qui agrandissait beaucoup la situation d’Addington, c’était son intimité avec le premier ministre, qui le consultait sur tous les actes importans du gouvernement, ou du moins ne lui laissait rien ignorer de ce qui se faisait et se préparait. Leurs opinions et leurs sentimens s’accordaient alors d’une manière presque absolue. Rien dans leur position respective ne provoquait ces susceptibilités, ces jalousies qui, à la longue, détruisent la plupart des amitiés politiques, et il eût fallu, d’ailleurs, de la part d’Addington, une étrange présomption pour qu’il pût penser, à cette époque, à se séparer du grand homme qui lui avait ouvert la carrière, et que tous les adversaires de la révolution française, tous les amis des institutions britanniques, sauf un petit nombre de whigs fourvoyés à la suite de Fox, considéraient alors comme le plus puissant champion de la cause monarchique.

Il eût été à désirer pour l’un et pour l’autre, pour le parti qu’ils représentaient pour l’Angleterre elle-même, que cette position ne se modifiât pas. Addington en comprenait tous les avantages. En 1793, il refusa l’offre d’une secrétairerie d’état. Il paraîtrait cependant que Pitt prédit d’assez bonne heure l’événement qui devait les placer un jour dans des rapports si différens, et s’il faut s’en rapporter à une assertion, d’ailleurs assez vague, de M. Pellew, il aurait dit à Addington, dès l’année 1797, qu’il devait se préparer à l’idée de se trouver un jour chargé de tout le poids du gouvernement. Ce mot, s’il a été prononcé en effet, et si ce n’était pas un de ces complimens sans conséquence qui échappent souvent dans une conversation familière, se rapporte sans doute au moment où les étonnans succès de la république française, la suspension des paiemens de la banque de Londres et la révolte de la flotte, en portant au plus haut point les dangers de l’Angleterre, firent croire à beaucoup de personnes, jusque alors dévouées à Pitt, qu’un changement d’administration pouvait être devenu indispensable ; peut-être aussi Pitt voulait-il parler seulement de ce qui arriverait dans le cas où il viendrait à mourir.

La crise où l’on était alors engagé n’eut pas les résultats qu’elle semblait annoncer. Non-seulement le gouvernement britannique surmonta ses difficultés intérieures, mais il parvint à renouer contre la France les liens brisés de la coalition ; la fortune des armes devint pour un moment favorable à la ligue européenne, et, tandis que naguère le cabinet de Londres demandait la paix au directoire français sans pouvoir l’obtenir, on le vit, lorsque le 18 brumaire eut porté Napoléon Bonaparte au pouvoir, repousser les avances pacifiques du premier consul avec une raideur injurieuse que peut à peine expliquer le caractère hautain