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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/784

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pas cessé d’être l’opiniâtre ennemie de toute liberté, qu’en accordant à ses sectateurs l’entière liberté de leur culte et même l’exercice de certains droits politiques, on avait plus que satisfait à ce que pouvait légitimement réclamer la tolérance la plus étendue. Tels étaient les sophismes par lesquels des hommes dont un grand nombre ne manquait ni de lumières, ni d’équité, ni de bienveillance, ni, à d’autres égards, d’un véritable libéralisme, s’encourageaient, en toute sûreté de conscience, à maintenir leurs compatriotes dans une sorte d’ilotisme. Plus que personne, George III était dominé par des préjugés si conformes à ses instincts despotiques, à sa piété peu éclairée et à son aversion pour toute innovation. Ce n’était pas sans répugnance qu’il s’était prêté aux derniers adoucissemens apportés à la condition des catholiques, et il était résolu à ne pas se laisser entraîner plus loin. Le progrès de l’âge, l’affaiblissement même dont les premières atteintes d’une maladie terrible avaient frappé quelques années auparavant ses facultés mentales, loin de le disposer à écouter plus docilement des conseils de tolérance, l’avaient rendu plus opiniâtre et plus intraitable. Il s’était d’ailleurs interdit toute concession en se persuadant que le serment prêté par les rois d’Angleterre à leur avènement, et qui les engage à maintenir l’église protestante, leur défend, par voie de conséquence, tout ce qui pourrait tendre à favoriser le catholicisme. Le paralogisme était grossier, mais, de tout temps, on a vu des hommes bien autrement intelligens que George III et non moins honnêtes accepter avec une singulière facilité les argumens qui leur permettent de placer leurs passions et leurs préjugés sous la sauve-garde d’un prétendu devoir de conscience, et se figurer qu’ils obéissent à une loi morale alors qu’ils satisfont leurs mauvais penchans.

Pitt, qui connaissait ces dispositions de George III, ne se dissimulait en aucune façon la gravité des obstacles qu’elles opposaient à son projet ; aussi ne mit-il pas, dans les démarches qu’il fit pour en préparer l’accomplissement, la hardiesse et la résolution qui caractérisaient d’ordinaire ses entreprises. Il y avait déjà plusieurs mois qu’il s’en occupait, de concert avec la plupart de ses collègues, et il n’avait pas encore osé en parler au roi, George III avait pourtant reçu, de ceux des membres du conseil qui désapprouvaient le plan du premier ministre, quelques informations incomplètes sur ce qui se préparait, et il s’en était singulièrement alarmé. Il n’était pas possible de retarder davantage une explication. On allait ouvrir la première session du parlement uni de Grande-Bretagne et d’Irlande, et le discours du trône devait, conformément au plan adopté par Pitt et par ses amis, annoncer une mesure qu’ils considéraient comme le complément de l’union. Il était plus que temps de s’entendre avec le roi sur les paroles qu’on se proposait de placer dans sa bouche. Pitt n’ayant pas voulu entamer lui-même une