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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/788

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intervalle, l’idée de rappeler Pitt au pouvoir en considérant comme non avenu tout ce qui s’était passé depuis quelques mois se présenta à certains esprits. Les mémoires de lord Malmesbury nous avaient déjà révélé cette circonstance ; ils avaient même donné lieu de croire qu’Addington était entré sérieusement dans cette pensée, qu’il avait offert à Pitt de lui rendre le ministère, et que c’était Pitt qui, après avoir paru un moment disposé à accueillir ces ouvertures, les avait définitivement rejetées. Le rôle que cette version prêtait aux deux personnages avait bonne grace de part et d’autre. Il paraît malheureusement que les choses ne se passèrent pas ainsi, et le journal manuscrit de lord Colchester, cité par le biographe de lord Sidmouth, contient un récit moins héroïque, mais bien plus conforme à la nature du cœur humain. Suivant ce journal, Dundas et d’autres amis particuliers de Pitt, croyant en effet que, dans les conjonctures si périlleuses où le pays se trouvait placé par la maladie du roi, l’intérêt public commandait de rendre à ce puissant homme d’état la direction des affaires en ménageant à Addington une grande position officielle, s’efforcèrent d’amener les esprits à cette opinion. Pitt, entraîné par leurs conseils, se persuada que c’était aussi l’avis d’Addington. Il lui fit savoir par un intermédiaire que, s’il désirait réellement une pareille combinaison, et si elle avait l’approbation du roi, pour son compte il était prêt à discuter les offres qu’on lui ferait à cet effet. Addington ne fut pas médiocrement surpris d’une communication à laquelle rien ne l’avait préparé. Sa réponse exprima d’une façon peu équivoque l’étonnement et la susceptibilité blessée. Il n’avait certes pas, dit-il, désiré quitter le poste qu’il occupait naguère ; c’étaient les anciens ministres eux-mêmes qui l’y avaient déterminé, en lui déclarant qu’ils étaient irrévocablement décidés à se retirer, et que son acceptation du ministère était le seul moyen de salut qui restât à la couronne ; en ce moment encore, son vœu le plus ardent serait de rentrer dans la vie privée et de leur remettre le pouvoir, si cela pouvait se faire d’une manière honorable pour tout le monde et conforme à la volonté royale. Il ne s’opposait nullement à ce qu’ils en parlassent au roi ; mais, quant à lui, il n’en prendrait pas l’initiative, et il supposait qu’avant de soumettre ce nouveau plan à un prince dont la santé venait d’être si cruellement éprouvée, on croirait devoir consulter les médecins pour s’assurer qu’elle ne recevrait pas un dangereux ébranlement d’une communication si inattendue. Cette réponse dut faire comprendre à Pitt qu’on l’avait poussé à une fausse démarche. Dissimulant son mécontentement, il déclara que, tout bien considéré, le plan de Dundas ne convenait pas à l’état des choses, et il affecta de dire hautement que, le nouveau ministère étant en ce moment le seul possible, il ne reconnaîtrait pas pour ses amis ceux qui lui feraient opposition. Ainsi se termina ce regrettable incident. Les traces d’un malentendu