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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/834

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ce travestissement et réussissent à faire prendre le change sur leur nationalité.

Le crépuscule commençait à jeter des teintes plus sombres sur le ravissant tableau que je ne me lassais pas d’admirer ; lorsqu’un groupe de quatre cavaliers, en se rapprochant de moi, vint m’arracher à ma contemplation. Je ne pus d’abord distinguer les traits de ces cavaliers, dont la figure était à demi cachée sous de grands chapeaux et des mouchoirs flottans ; mais leur attitude me parut suspecte. Ces hommes, drapés de mangas et de sarapes, semblaient m’épier avec l’intention de me couper le passage. Je poussai mon cheval dans une contre-allée. Aussitôt les cavaliers piquèrent des deux et s’élancèrent vers moi. — Halte-là ! s’écria une voix menaçante, et au même instant les quatre cavaliers m’entourèrent. Ce n’étaient ni des voleurs ni des alguazils ; c’étaient tous des hommes dont j’avais pu apprécier souvent le caractère aimable et la joyeuse humeur. Dans l’un d’eux, je reconnus don Diego Mercado, étudiant en théologie du collége de Saint-Jean-de-Latran ; le deuxième était l’officier don Blas…, le troisième le seigneur don Romulo R… F…, brouillon politique qui ne pouvait voir en face de lui un gouvernement établi sans chercher aussitôt à le renverser, et qui, nonobstant cette faiblesse, se trouvait répandu dans la plus élégante société de Mexico ; le quatrième enfin était celui que j’aurais dû certes le moins m’attendre à rencontrer en pareille compagnie et sous un pareil déguisement : c’était le digne fray Serapio.

— Est-ce bien le révérend fray Serapio ? m’écriai-je aussitôt ; est-ce bien lui que j’aperçois sous ce costume de bandit ?

— Chut ! reprit le franciscain ; je voyage incognito, plus tard je vous dirai pourquoi.

— Bien, dis-je au moine ; j’ai à vous faire d’autres questions qui m’intéressent également.

— Vous êtes des nôtres, s’écria l’officier, et nous vous emmenons en caravane pour achever la semaine sainte ailleurs qu’à Mexico.

— Et où me menez-vous ainsi ? demandai-je.

— Vous le saurez quand vous y serez, répondit le seigneur Romulo. Je vous connais pour un chercheur d’aventures : eh bien ! je vous en promets, et des plus étranges.

C’était m’attaquer par mon côté faible, et j’acceptai sans plus m’inquiéter du but d’une semblable équipée. J’étais d’ailleurs en costume de voyage, et une excursion nocturne me séduisit tout d’abord. Nous fîmes encore un tour, puis, abandonnant la foule des promeneurs qui commençait à s’éclaircir, nous prîmes les allées de la Candelaria en remontant vers le nord. Resté en arrière avec fray Serapio, je renouvelai ma question au sujet de son déguisement. Dans les premiers