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dans la confidence de ces tristes divisions et des causes plus tristes encore qui les ont provoquées. A côté d’une jeune reine tout occupée de ses plaisirs, très peu soucieuse de son royaume, à ce qu’il semble, y avait-il, du moins durant cette crise, un gouvernement résolu et vigoureux capable de dédommager et de rassurer jusqu’à un certain point la nation par une forte impulsion donnée à l’activité publique, par une intelligence élevée des intérêts d’un autre ordre ? Le cabinet Pacheco-Salamanca n’a montré aucune des qualités nécessaires pour dénouer ou pallier une situation si critique. Né d’un hasard, il a prolongé son existence dans une atmosphère d’intrigues ; il s’est rejeté du parlement, où il ne trouvait qu’un appui douteux, dans les antichambres du palais, où on le voit aujourd’hui mourir comme un muet. Le départ récent et prévu du général Narvaez pour Madrid, sur l’appel qui lui a été fait par la reine Isabelle, indique assez un changement prochain, exigé d’ailleurs par la gravité de la situation.

Le dernier cabinet a assez vécu cependant pour que les finances aient pu s’épuiser, grace aux mesures de M. Salamanca, pour que le désordre se soit propagé dans les provinces. La faction carliste, peu nombreuse encore, mais active, s’est étendue en Catalogne, en Castille. En même temps, la désaffection s’est éveillée ; un réel et profond malaise a gagné le pays. Madrid même s’est lassé du spectacle des discordes intestines du palais. Le ministère Pacheco n’a pu donner à l’Espagne, pour faire diversion momentanément, que l’expédition assez insignifiante du Portugal, qui a, dit-on, fourni au général Concha l’occasion de faire une petite propagande unioniste pendant son court séjour à Oporto. De ce rêve tardif ou prématuré d’union entre les deux royaumes, l’Espagne est bientôt revenue au sentiment exact de l’incertitude qui la travaillait ; il n’en fallait pas plus pour que cette combinaison bâtarde, qui a fait d’un spéculateur de bourse le Colbert de la Péninsule, succombât sous sa propre impuissance.

Nous ne voulons point hasarder de conjectures, préciser ce qui pourra sortir de ces complications. Conjecturer, lancer des prévisions lorsqu’il s’agit de l’Espagne, c’est se préparer des démentis certains. Il suffit, à notre avis, de regarder un instant cette situation en face comme le point de départ possible d’événemens graves, d’observer l’attitude des partis, de pénétrer le sens des modifications que subit le gouvernement à cette heure même, et de démêler au milieu de cette confusion l’intérêt réel et permanent de l’Espagne. Chercher à se reconnaître dans ce tourbillon, cela n’est point facile, et, si l’on parvenait à obtenir un peu de lumière par une observation attentive, il faudrait s’y tenir comme au seul résultat utile et désirable pour le moment. Une circonstance qu’il ne faut jamais perdre de vue domine toutes les phases de la révolution espagnole, c’est cette triste fatalité qui met