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Sotomayor au sujet de la présence de M. Serrano dans le palais ; c’est le ministère qui existait il y a quelques jours et dont M. Salamanca était l’ame, encore plus que M. Pacheco peut-être.

L’influence de M. Bulwer n’était pas, du reste, inactive dans un sens plus directement afférent à la politique anglaise, et déjà, nous dit-on, ce fameux traité de commerce qui causa en partie la chute d’Espartero avait reparu dans des négociations particulières entamées avec M. Salamanca à Madrid, et qui se liaient avec la négociation d’un emprunt à Londres. Seulement l’Angleterre est clairvoyante et habile ; elle n’a pas oublié l’émotion unanime et ardente que causa, il y a quelques années, en Espagne, la menace d’un traité de cette espèce, et elle consentait aujourd’hui, afin de désarmer les colères, à n’entrer que progressivement en possession des marchés de la Catalogne. Les tarifs étaient abaissés, et les cotons inférieurs devaient seuls encore être soumis à quelques droits. C’est sur ces bases, si nous sommes bien informés, qu’étaient placées les négociations. En régime de transition devait préparer la pleine liberté. On pense bien que M. Salamanca eût alors trouvé à Londres l’argent qui lui manquait. Qu’a-t-il fallu pour arrêter le ministre espagnol dans ses projets ? Il a fallu jeter un simple coup d’œil sur la Catalogne, sillonnée en ce moment par les bandes carlistes, sur la Catalogne, qui peut d’un jour à l’autre se transformer en un vaste champ de bataille, et qui eût, sans aucun doute, pris feu immédiatement, si ce coup fût venu frapper son industrie. On a trouvé que c’était assez de la question épineuse du palais sans aller y joindre une guerre civile pour un intérêt commercial.

Cette persévérance de la politique anglaise, cette ténacité imperturbable, nous ne la blâmons pas en elle-même : elle a fait la force de la Grande-Bretagne, et nous serions tentés plutôt de l’envier pour notre pays ; mais ce qui est moins légitime, c’est qu’un gouvernement étranger, pour faire prévaloir ses intérêts ou venger les blessures de son amour-propre, suscite ou favorise de honteux scandales dans un état dont il se dit l’allié, se fasse l’auxiliaire de toutes les passions perverses, travaille à la chute morale d’une jeune reine, tout en se ménageant d’ailleurs d’autres chances pour l’avenir, si quelque catastrophe venait à éclater, et en caressant les prétendans que de malheureux hasards pourraient ramener sur la scène. C’est là un genre d’influence et d’action dont la France a eu raison de laisser à d’autres la responsabilité, et cette responsabilité, qu’on n’en doute pas, sera sérieuse devant l’Espagne et devant l’Europe. Nous savons bien que la presse anglaise dit le contraire de tout ceci, qu’elle cherche à accréditer que la France a tout fait. Mon Dieu ! peu s’en faut que le gouvernement français, si on l’en croit, n’ait lui-même fomenté les désordres du palais de Madrid, puisqu’il a pris quelque part au mariage de la reine : la raison n’est-elle