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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/952

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désertant des traditions séculaires, comme abdiquant des prétentions pour le triomphe desquelles nous avons autrefois si souvent combattu. Nous savons tout ce qu’il faut rabattre de ces déclamations ; toutefois ce langage doit nous tenir en éveil. Les organes de lord Palmerston dénoncent à l’Europe le gouvernement français comme coupable de complicité avec l’absolutisme de l’Autriche. La meilleure réponse à cette accusation sera dans l’habile fermeté de notre diplomatie, qui doit montrer que nous n’abandonnerons pas à l’Angleterre l’honneur de défendre en Europe les saines idées libérales. Que lord Palmerston prenne partout fait et cause pour les partis extrêmes, quel que soit leur drapeau, le carlisme ou la démagogie, nous ne lui envions pas ce rôle d’agitateur, qui demande à l’anarchie d’ouvrir des chances heureuses aux intérêts, à l’influence, au commerce de l’Angleterre. La mission de la France est autre : prêtant partout son appui moral à la liberté modérée, aux idées de sages réformes, la France inspirera plus de confiance et d’estime que si elle se montrait ici absolutiste, là radicale, au gré de ses caprices ou de ses spéculations. Du reste, il ne serait pas impossible que les vivacités de lord Palmerston eussent un résultat qu’à coup sûr il n’a ni désiré, ni prévu : c’est d’inspirer à l’Autriche une plus grande circonspection. Le ministre whig ne doit rien souhaiter avec plus d’ardeur que des événemens, des circonstances, qui amènent sur quelque point de l’Italie une intervention d’une puissance étrangère. Lui aussi pourrait alors se mêler des affaires de la péninsule, et montrer le pavillon anglais devant Naples, devant Civita-Vecchia, et dans le golfe de Palerme. D’ailleurs, ne pourrait-on trouver dans les conditions actuelles de la politique anglaise plus d’un motif de se prononcer en faveur du saint-siège ? Déjà les difficultés de l’Irlande avaient fait comprendre à l’Angleterre la nécessité d’un rapprochement avec Rome ; la question du rétablissement des relations diplomatiques par l’envoi d’un ambassadeur auprès du Vatican a été plus d’une fois agitée, et elle se reproduira lorsque le parlement devra plus tard discuter la dotation du clergé catholique. Enfin il est certain que le gouvernement anglais cherche à établir le transit de la malle de l’Inde à travers les états pontificaux. Voilà bien des raisons pour que l’Italie ne croie pas au désintéressement de l’Angleterre, comme elle croit aujourd’hui à celui de la France. S’il y a de la prévoyance dans les gouvernemens, un sage instinct dans les populations, on évitera, de part et d’autre, tout ce qui pourrait amener dans les états indépendans de l’Italie des drapeaux étrangers.

En effet, c’est surtout d’elle-même que l’Italie peut attendre son salut et sa force, et dès à présent d’heureux symptômes se manifestent au-delà des Alpes. Dans une lettre adressée à un personnage aussi connu par ses principes libéraux que par son dévouement à la personne du, roi Charles-Albert, ce prince s’est prononcé d’une manière formelle contre l’occupation de Ferrare. Le roi aurait renouvelé l’expression de son mécontentement en présence de plusieurs membres du corps diplomatique, et notamment du nonce du saint-siège, monsignor Antonucci, à qui il aurait offert l’appui du Piémont contre les exigences de l’Autriche. Cette détermination serait due aux conseils de M. de la Villamarina, ministre de la guerre, et du duc de Savoie, qui, bien que marié à une princesse autrichienne, se fait, en cette circonstance, l’organe des vœux de la nation. Cependant il ne paraît pas qu’aucune démarche officielle ait encore eu lieu, et il n’est pas cer-