Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1030

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Délivré des fausses dénominations dont on l’a affublé, le Ramesséum est évidemment un de ces monumens moitié palais et moitié temples, selon moi plus palais que temples, tels qu’en élevèrent sur les deux rives du Nil les rois de la dix-huitième et de la dix-neuvième dynastie. Ces monumens se composaient d’une suite de cours et de salles entourées ou remplies de colonnes, dans lesquelles on voyait tour à tour le Pharaon rendant un hommage religieux aux divinités locales de Thèbes, ou assis à côté d’elles et recevant les adorations de sa race. Celui-ci, élevé par Ramsès-le-Grand, était plein de sa mémoire. Les exploits du conquérant furent sculptés sur ces murailles, comme à Karnac et à Louksor. Un colosse en granit, de cinquante-trois pieds, le représentait assis sur son trône. Ce colosse est aujourd’hui brisé et gisant. Ce n’est pas le temps ou un accident fortuit qui a pu le mutiler ainsi ; il a fallu la main de l’homme et de puissans efforts. Tel qu’il est, c’est la plus grande ruine de statue qui existe ; son pied a plus de deux toises de long. Quand j’ai grimpé sur son bras, il m’a semblé gravir un rocher.

Le Ramesséum, dit Champollion, est peut-être ce qu’il y a ici de plus noble et de plus pur. M. Wilkinson dit qu’il peut rivaliser avec tout autre monument de l’art égyptien. C’est le Parthénon de Thèbes. Il mérite donc qu’on entre dans son intérieur pour admirer la grace noble et chaste des colonnades. Ce n’est plus l’écrasante majesté de Karnac, ce sont des dimensions modestes pour l’Égypte, et qui partout ailleurs seraient grandioses. La salle des panégyries ou assemblées solennelles n’est pas supportée par cent trente-quatre colonnes comme à Karnac, mais elle en offre encore trente, qui, comme le dit Champollion, charmeraient, par leur élégante majesté, les yeux même les plus prévenus contre tout ce qui n’est pas architecture grecque et romaine.

Dans cette salle, on voit sur un mur les vingt-trois fils de Ramsès avec leurs noms. Ses treize filles sont représentées dans un temple de Nubie. Ailleurs une inscription hiéroglyphique, datée de la soixante-quatrième année de son règne, montre que sa vie a été longue. Beaucoup d’autres inscriptions, les bas-reliefs sculptés sur les parois des édifices de Thèbes et d’une foule d’autres localités, se réunissent pour nous apprendre qu’il fut un grand conquérant et pour nous faire connaître les noms des peuples qu’il a soumis. Nous avons trouvé à Louksor la date précise de ses victoires qui en accompagnait le récit et le tableau. Voilà déjà bien des choses enseignées par les hiéroglyphes, encore accusés de ne point renfermer d’histoire.

C’est aussi sur un pylône du Ramesséum que Ramsès est représenté recevant un hommage qui semble religieux, tandis qu’on porte devant lui les statuettes de dix-huit rois, dont le plus ancien est Ménès, le fondateur de la monarchie égyptienne, et dont le plus récent est Ramsès II lui-même, montrant par là qu’au bout de deux mille cinq cents ans,