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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1098

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Voici le titre de ce livre fidèlement traduit : « Théâtre céleste, où l’on voit comment la bonté divine a appelé au rang de bienheureux et de saints plusieurs comédiens pénitens et martyrs, et où l’on exhorte poétiquement ceux qui exercent la profession du théâtre à pratiquer leur art sans offenser la vertu, tant pour laisser sur la terre un nom honoré, que pour ne pas se fermer par le vice la route qui mène au paradis ; dédié à mon illustrissime et révérendissime seigneur et très respecté patron, le cardinal de Richelieu ; par Gio.-Batt. Andreini, de Florence, appelé au théâtre Lelio ; Paris (sans date). »

La dédicace qui suit ce long titre est écrite, comme les vingt et un sonnets eux-mêmes, dans le style prétentieux et métaphorique de l’école alors dominante de Marino et des seicentistes. Par une première bizarrerie, l’auteur ne fait hommage au cardinal que des cinq premiers sonnets du recueil, ceux où il a célébré des acteurs sanctifiés ou béatifiés ; mais, au lieu d’exposer une à une chaque singularité de cette épître, il sera plus court de la transcrire en entier. La voici donc :

« O cygne revêtu de la pourpre du Vatican, j’ai ébauché à Compiègne et terminé à Paris, en unissant mes chants grossiers aux accords de la lyre céleste, cinq sonnets qui brillent d’un éclat divin.

« Ceux que je célèbre furent des comédiens pleins de piété, bienheureux et saints, qui pleurèrent amèrement leurs fautes et se convertirent. Moi seul, comédien pécheur, je suis demeuré, oiseau de marais, pour chanter leurs heureuses conversions, afin qu’ils présentassent, non-seulement à moi, mais à tous les autres comédiens, l’occasion d’imiter leurs vertus, tant sur la scène que dans la retraite. Puisse votre très illustre seigneurie accueillir l’humble hommage que je lui présente, en la suppliant d’avoir plutôt égard à l’affection du cœur qu’à l’imperfection de l’œuvre, et en augurant pour elle, en récompense de ses gloires, les triples couronnes qui, dans le Capitole de la sainte église, ceignent le front de ceux dont la poitrine est revêtue de la pourpre ! Je finis, en m’inclinant profondément devant votre révérendissime seigneurie. »

Un tel présage, adressé à bout portant par l’amoureux de la troupe italienne au cardinal de Richelieu, a droit, assurément, de nous surprendre. A quelle époque de la carrière du grand ministre remonte-t-il ? Est-ce au temps où Richelieu, passionné du théâtre, s’était fait lui-même auteur et presque entrepreneur dramatique, vers 1635 ? Non ; car l’imprimeur de nos sonnets, Nicolas Callemont, mourut à la fin de 1630. D’ailleurs, un heureux hasard, qui met, fort à propos, sous ma main un second exemplaire de ce rare volume, lève tous les doutes. Ce second exemplaire contient, à la suite du titre et de la dédicace, deux cartons destinés à les remplacer. Le nouveau titre, beaucoup plus simple et moins métaphorique que le premier[1], porte, de plus, la

  1. Ce titre commence ainsi : « Comici martiri e penitenti, della divina bonta chiamati al titolo de beatitudine e di santita… » Le reste est de même.