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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/1147

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les parages du Cap, vient d’y reparaître. Ce serait une nouvelle chance favorable pour la colonie, qui trouverait ainsi l’occasion d’approvisionner de nombreux baleiniers américains ; mais tout cela ne sauvera pas de la ruine et de la banqueroute les malheureux émigrans anglais, si l’énergie de sir Henry Pottinger ne parvient à réprimer le pillage des Cafres. Or, devinerait-on bien à quoi le gouvernement anglais a songé pour mettre un terme à ces brigandages ? Soupçonnerait-on jamais la barrière dont il s’est avisé ? Le gouvernement anglais a eu la pensée d’établir sur la frontière des colons militaires. Lui, le colonisateur par excellence, il en est venu à emprunter un plan de colonisation au maréchal Bugeaud ! Des soldats du 90e régiment, au moment d’être congédiés, ont été invités à s’établir sur les bords du Key-River, la bêche d’une main et la carabine de l’autre, comme des vétérans romains ou des soldats du colonel Marengo. Voilà cependant à quoi l’émancipation et les extravagances des missionnaires ont poussé ce gouvernement sage et envié de l’Europe.

On le voit, nous ne sommes pas les seuls à avoir des mécomptes sur la terre d’Afrique. S’il est ridicule de répéter en toute occasion des accusations banales contre les noirs complots de l’Angleterre, il ne l’est pas moins de dénigrer perpétuellement notre pays au profit de ce qui s’accomplit chez elle. Le Cap ne saurait-il nous consoler de l’Algérie ? Cette application constante à établir entre nous et les autres nations des parallèles défavorables et à rechercher des points de comparaison blessans pour l’orgueil national, nos voisins, il faut l’avouer, ne la possèdent pas à un égal degré. Ils se montrent plus soigneux que nous de dissimuler leurs fautes ; on en peut juger par le langage mesuré de la presse de Londres lors de la retraite de sir Th. Maitland. On ne les voit point, à la nouvelle d’un désastre survenu à l’autre bout du monde, dresser un acte d’accusation contre le pouvoir qui, en bonne justice, ne saurait en être responsable, ainsi qu’il est arrivé chez nous au sujet de la Gloire et de la Victorieuse. À la statistique de nos désastres, dressée avec un soin aussi exemplaire par la portion de la presse qui fait profession de censurer le gouvernement, il ne serait pas difficile d’opposer une statistique non moins déplorable tirée des archives de l’amirauté anglaise ; mais en sentirons-nous moins vivement nos pertes pour avoir mis en regard ces tables nécrologiques des deux marines ? Quant à ce qui concerne les deux infortunés commandans de la Gloire et de la Victorieuse, la justice et l’humanité ne commandent-elles pas la réserve et le silence jusqu’à l’épreuve redoutable à laquelle ils vont être soumis ? On a demandé ce que notre division allait faire sur les côtes de la Corée ; du fond du cabinet, on a disserté doctement sur les périls inévitables dans lesquels elle allait se jeter. Nos bâtimens sont allés au nord, comme la division l’avait fait l’année dernière sous les ordres de l’amiral Cécille, pour ne pas rester exposés aux typhons de la rade de Macao, ou aux fièvres dans la rivière de Canton ; c’est dans un passage mal connu qu’égarés par de mauvaises cartes, ils se sont perdus, laissés presque à sec par une marée descendante, qui a baissé de dix-huit pieds. La Gloire et la Victorieuse étaient commandées par des officiers du plus haut mérite, et tout ce qu’on sait jusqu’à présent prouve que les équipages, jusqu’au dernier matelot, ont fait admirablement leur devoir. Le capitaine Lapierre commandait à Tanger le vaisseau monté par le prince de Joinville, qui aimait et estimait cet officier supérieur. M. Rigaud de Genouilly, récemment nommé ca-