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sous le nom de Bernard Raymond ; nous ajouterons que les templiers ont résumé leurs doctrines dans divers livres publiés principalement de 1831 à 1834. Pour l’illuminisme, la politique ou la littérature, c’est là, en effet, l’époque de toutes les excentricités, de toutes les résurrections, de toutes les tentatives aventureuses. Parmi ces livres, nous indiquerons Levitikon, Jérusalem et Rome, et de l’Église chrétienne primitive.

Jérusalem reparaît encore dans les publications d’une autre secte qui a dans l’histoire des racines beaucoup moins profondes, mais qui, en fait de rêveries bizarres et de somnambulisme intellectuel, ne le cède en rien aux visionnaires les plus troublés. Cette secte parait vers 1838 ; elle procède de Swedenborg, qui avait déjà obtenu, dans les dernières années du XVIIIe siècle, un assez grand succès en France et une quinzaine d’éditions. Les affiliés ont pris sur leurs livres le nom de Novi-Jérusalémites, ou Disciples de la nouvelle église du Seigneur Jésus-Christ, et ils ont publié, sous le titre de la Nouvelle Jérusalem, un journal qui paraissait à Saint-Amand, département du Cher, et qui apportait au public le compte-rendu des miracles accomplis dans le monde des esprits.

Moins heureux que Swedenborg, les illuminés qui, de notre temps même, se sont relevés spontanément, sont restés isolés dans leurs rêves, et la plupart, pour arriver au public, ont été obligés de se faire imprimer à leurs frais et de distribuer leurs livres gratis. A la révolution de juillet, nous voyons reparaître M. Coessin, qui s’était rendu célèbre dans les dernières années de l’empire en fondant à Paris, sous le titre de Maison Grise, un établissement où il se proposait de réunir la famille spirituelle des enfans de Dieu. Pour élever les membres de cette famille au plus haut degré de la perfection chrétienne, il leur recommandait l’abstinence de nourriture et la société des femmes. M. Coessin trouva des disciples ; mais le bruit qui s’était fait autour de lui s’apaisa rapidement, et, lorsqu’en 1834 il adressa aux personnes de bonne volonté de l’un ou de l’autre sexe le bulletin des familles spirituelles, il s’aperçut que son rôle de révélateur était terminé, et il rentra prudemment dans l’ombre. La place ce pendant fut bientôt reprise ; M. Gabriel Galland, envoyé de Dieu pour annoncer la vérité aux hommes, vint à son tour leur expliquer l’Apocalypse, et leur prédire le second avènement du Christ. M. François Bon, du Puy-en-Velay, publia en 1839, pour éclairer le monde à la fin des temps, l’Avènement de l’esprit de vérité et l’Histoire de la vérité sortie du fond du Puy, sans doute du Puy-en-Velay. M. Cheneau, le serviteur des hommes de progrès rationnel, a établi vers 1840, rue Croix-des-Petits-Champs, la librairie de la troisième et dernière alliance de Dieu avec la créature, et là il a édité une douzaine de brochures dans lesquelles il annonce, entre autres, qu’en janvier 1841 il a eu avec l’empereur Napoléon un long entretien, dans lequel l’empereur l’a chargé d’instituer un nouveau baptême. M. Augustin Gauthier, envoyé de Dieu et rédacteur de l’Esprit de Vérité, professe la croyance à laquelle se soumettra l’univers, et M. Glouton, prophète du Seigneur, s’annonce comme le Christ du second avènement. En 1831, M. Hoéné Wronski nous donne le Messianisme, importation slave, qui reparaît en 1845 dans un livre de M. Mickiewicz, le grand poète polonais, qu’on rencontre à regret dans cette énumération des messies contemporains. N’oublions pas M. Châtel. Rappelée en peu de mots, l’histoire de l’église française montrera quelles sont au XIXe siècle les destinées d’une hérésie.