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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/378

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tion éprouvera-t-elle quelques difficultés à s’établir, la création des institutions devance peut-être un peu celle des hommes ; mais enfin la base d’une administration laïque est jetée à Rome même, et c’est un grand pas. Le peuple de Rome a fait le 3 octobre une grande procession aux flambeaux à l’occasion du dernier motu proprio. Quatre à cinq mille hommes, dans l’ordre le plus parfait, sont allés recevoir la bénédiction du saint-père avec leurs drapeaux. Le gouvernement s’était chargé d’armer à ses frais la garde civique ; mais les populations préfèrent s’imposer à elles-mêmes cette charge, qui écraserait le trésor. De tous côtés, des souscriptions ont été ouvertes pour cet objet ; ce sera pour le pays une taxe spontanée et volontaire de 15 à 16 millions, le quart du budget. On ne saurait assez rendre hommage au zèle déployé par la population romaine, mais surtout à la conduite pacifique, régulière et digne qu’elle garde au milieu même de son empressement.

En Toscane, le parti du progrès modéré a aussi le dessus. Le grand-duc a changé son ministère, et le choix de ses nouveaux conseillers prouve qu’il est disposé à accepter les conséquences des concessions qu’il a déjà faites à son peuple. Tant qu’il restait sous l’influence de conseillers comme M. Pauer et le président Bologna, on pouvait douter de la sincérité ou de la persévérance de ses bonnes intentions. Les noms du marquis Ridolfi et du comte Serristori répondent heureusement à ces inquiétudes. Ce que le parti libéral, en Toscane, doit d’abord s’attacher à obtenir, c’est un nouveau système municipal ; ce sera tôt ou tard la base d’un système constitutionnel.

Les nouvelles du royaume des Deux-Siciles sont un tissu de contradictions. De ce côté, du reste, si nous avions les desseins plus que profonds qu’on nous prête, nous ne pourrions que désirer des bouleversemens. Un journal anglais fort sérieux n’a-t-il pas découvert dernièrement que si M. le duc d’Aumale s’en allait en Afrique, c’était pour se trouver avec cent mille hommes à portée de l’Italie méridionale et se tailler un royaume dans les domaines du roi de Naples ! M. le duc de Montpensier roi d’Espagne, M. le prince de Joinville empereur du Brésil, M. le duc d’Aumale roi de Sicile ! Après avoir si bien établi ses fils, le roi Louis-Philippe pouvait se reposer en paix. Nous ne voulons pas être aussi ridicules, nous ne voulons pas même dire que l’Angleterre jette des regards de convoitise sur la Sicile, quoiqu’on l’ait dit souvent ; mais enfin l’Italie est-elle bien sûre du parfait désintéressement du gouvernement anglais ? Le pape est-il persuadé, par exemple, que les affaires d’Espagne soient complètement étrangères à la résolution qu’a prise la cour de Londres d’envoyer un ambassadeur à la cour de Rome ?

En Piémont, le revirement que nous appréhendions s’est produit. Le comte de Villamarina s’est démis de tous ses emplois ; M. de la Marguerite reste au ministère. Ce fait n’a besoin d’aucun commentaire. Le roi Charles-Albert s’est bien pressé de détruire les espérances qu’on avait fondées sur lui.

En Grèce, les conséquences de la mort de M. Coletti ne se sont pas encore manifestées, mais elles ne peuvent tarder à se faire sentir. Cette mort est pour la Grèce elle-même une perte irréparable, pour la France un événement très regrettable, mais il faut savoir tirer même d’un malheur le meilleur parti possible. Or, le changement survenu dans le personnel du gouvernement hellénique aura peut-être pour effet de rendre plus facile la solution de plusieurs difficultés inté-