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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/452

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L’industrie a ses feuilles spéciales, et il ne lui suffit plus d’envahir par ses annonces au moins le quart de la surface des grands journaux.

Comme la presse administrative ou industrielle, la presse scientifique et la presse agricole se sont constituées en 1835. Cette date est à noter, car, de même que 1832 et 1833 marquent dans notre histoire intellectuelle l’avènement de toutes les excentricités, de toutes les théories subversives, des égaremens les plus condamnables de la pensée, de même 1835 marque le point de départ du progrès régulier et du développement auquel nous assistons. La presse scientifique semble appelée à prendre chaque jour un accroissement nouveau ; les livres en effet marchent trop lentement pour suivre le mouvement rapide qui nous entraîne, et ce n’est qu’au moyen de publications périodiques que les hommes spéciaux peuvent, comme on dit, se tenir au courant.

Écho fidèle de toutes les clameurs de la société au milieu de laquelle nous vivons, la presse, on le voit, a traversé, depuis trente ans, bien des phases diverses. Exclusivement politique dans les premières années de la restauration, elle devient vers 1825, au moment de la querelle de l’ancienne et de la nouvelle école, politique, critique et littéraire. A la révolution de 1830, la littérature est complètement dominée de nouveau par la politique, et la politique elle-même est envahie par le socialisme et par les passions qui se réveillèrent à cette époque avec tant de violence dans les partis extrêmes. Vers 1836, l’agitation s’apaise, et une ère nouvelle commence, qu’on pourrait appeler l’ère industrielle. C’est le moment où les journaux quotidiens, tout en baissant leur prix, augmentent leur format et s’ouvrent aux annonces et aux romans-feuilletons, en faisant néanmoins aux questions administratives une plus large place. Cette période dure encore ; mais on peut espérer, en voyant le mouvement instinctif qui nous entraîne vers toutes les améliorations, que la presse ne tardera point à sortir des voies étroites et dangereuses où l’esprit de spéculation l’a un instant engagée. Elle doit rester et elle restera ce qu’elle fut sous la restauration, la plus imposante manifestation des forces sociales ; néanmoins, pour qu’elle demeure à la hauteur de sa, mission, il faut qu’elle soit, non pas une affaire de métier pour des écrivains de profession, mais une affaire de dévouement pour les citoyens d’un pays libre.


CHARLES LOUANDRE.