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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/526

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de la patrie allemande. Le nouveau Zollverein ne sera ni si peu intelligent ni si fort absolu. Les séparatistes, alléchés par la perspective des immanquables profits du transit direct entre l’Amérique et l’Allemagne, s’empresseront d’assister, dans la seconde phase de sa fortune, cette puissance dont ils doutaient encore à la première. Ce ne sont pas les ports prussiens qui peuvent accaparer des relations aussi considérables, ils n’y suffiraient pas. Le privilège du pavillon national devenu lucratif, Hambourg et Brême renonceront à leurs couleurs pour arborer celles de l’union, qui, fièrement alors promenées partout, forceront désormais partout à compter avec elles. Les inventeurs de l’union politique et commerciale de l’Allemagne rejettent donc bien derrière eux les inventeurs de l’union douanière. Ceux-ci n’avaient ambitionné que la fortune industrielle, et, pour y arriver, ils avaient souffert qu’un trop grand nombre de leurs frères allemands restât en dehors du pacte. Les modernes économistes vont restituer au corps germanique ces membres si malheureusement retranchés, et, quel expédient merveilleux ! il ne leur en coûtera pour tout raccommoder que de se donner une grande marine et de l’alimenter par un grand commerce.

C’est ainsi que le problème se résout en même temps qu’il se pose. C’est ainsi que la négociation se présente ; mais il faudrait gagner Hambourg. Or, Hambourg vient de répondre à ces offres d’apparence si fraternelle par un non si décidé, que l’on ne sait encore comment s’en remettre, tout fondé, tout résolu qu’on est à ne point désespérer. Hambourg, depuis lors, se trouve l’objet des malédictions presque unanimes de la presse allemande. La querelle est trop ardente pour être déjà finie. Comment finira-t-elle ? Voyons d’abord comment elle est née.

Hambourg et Brême, la reine de l’Elbe et celle du Weser, seraient appelées par leur voisinage à rivaliser entre elles, si le bonheur d’une position plus favorable, si un plus vif esprit d’entreprise, n’avaient investi la première d’une prépondérance décisive. Il y a plus de capitaux à Hambourg que sur toutes les places du Nord ; c’est la bourse où toutes font leurs échanges ; c’est le marché commun sur lequel la Suède, le Danemark, la Norwége et même la Russie trafiquent avec l’aide du crédit hambourgeois. Ce sont des négocians de Hambourg qui ont frayé aux produits allemands la route des Indes orientales, de la Chine, de Java, de Batavia et de Sumatra ; ce sont eux qui, les premiers, ont armé pour l’Amérique du Sud, tourné le cap Horn et fondé des comptoirs allemands à Valparaiso, à Lima, à la Conception ; ce sont eux enfin qui ont rayonné de là dans tout l’intérieur et répandu jusqu’aux Cordillières la langue et la librairie de l’Allemagne. Il n’est point d’île et de port dans le golfe du Mexique et sur l’Atlantique où il n’y ait, si petit que soit l’endroit, un établissement de Hambourg ; les commerçans hambourgeois vivent par centaines à la Jamaïque, à Cuba, à Saint-Thomas,