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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/567

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tuelle attitude d’antagonisme que le ministre des affaires étrangères a adoptée dans presque tous les pays du monde, et qui semble être passée chez lui à l’état de système. Un journal anglais disait l’autre jour qu’une grande partie des succès de la politique de M. Guizot à l’extérieur devait être attribuée à cette manie de lord Palmerston de se déclarer l’ennemi de telle ou telle personne ou de tel ou tel parti dans les pays étrangers. C’est une observation qui ne manque pas de vérité ; mais après tout ce n’est pas à nous de nous plaindre des résultats de la politique de lord Palmerston, car nous ne pouvons qu’y gagner.

En Italie, il s’est accompli une petite, révolution régulière et pacifique que nous pourrions appeler « un changement de mains. » Le duché de Lucques a passé des mains de son souverain provisoire en celles de son souverain présomptif, le grand-duc de Toscane. Nous devons en féliciter le duché de Lucques ; il a enfin trouvé sa place, après avoir traversé l’épreuve d’une espèce de surnumérariat qui a été heureusement abrégé. Ce pauvre duché avait éprouvé le sort réservé aux petits et aux humbles dans les grandes révolutions. Il avait été ballotté de mains en mains par les traités, et il devait aspirer à être fixé une fois pour toutes. Il faut espérer qu’il ne changera plus.

Le duc de Lucques n’a pas voulu jouir jusqu’au bout de l’amour de ses sujets. Il paraîtrait que les mouvemens libéraux qui ont agité sa petite souveraineté l’ont dégoûté du métier. Il ne s’est pas senti la force de suivre les progrès du siècle, et il a remis par anticipation au grand-duc de Toscane un territoire qui devait lui revenir un jour. On sait que les duchés de Parme et de Plaisance, aujourd’hui sous la souveraineté de Marie-Louise, doivent échoir au duc de Lucques ; mais il avait été stipulé en même temps que, lorsque le duc de Lucques hériterait du duché de Parme, son propre duché passerait à la Toscane. Le duc de Lucques est allé au-devant de cet événement ; il a, sous la condition d’une indemnité, abandonné Lucques et son territoire au grand-duc de Toscane, et aujourd’hui il se trouve entre deux duchés, l’un qu’il a quitté, l’autre qu’il attend. On ne dit pas jusqu’à présent que l’infante Marie-Louise ait l’intention de suivre son exemple et d’abdiquer prématurément en sa faveur.

Les Lucquois ont manifesté leurs regrets par un Te Deum, et ont accueilli avec transport la prise de possession du grand-duc de Toscane. Ce changement de domination est en effet pour eux un bienfait, et leur nouveau souverain a inauguré son règne en les faisant participer à une de ses institutions les plus humaines et les plus libérales, l’abolition de la peine de mort.

L’annexion de Lucques à la Toscane a été un bienfait pour l’Italie entière. C’est un cas d’intervention de moins. Le duc de Lucques, comme le duc de Modène, était un point d’appui pour l’Autriche. Le grand-duc de Toscane a pris sa place, mais il n’a point pris son rôle ; c’est un nouveau morceau du territoire de l’Italie rattaché à l’unité nationale. Tout le monde cependant n’y a pas gagné. Cette mutation de territoire en a entraîné une autre moins heureuse, prévue aussi par le traité de Vienne. Ainsi il avait été stipulé qu’au moment où Lucques irait à la Toscane, le grand-duc, de son côté, céderait au duc de Modène les districts toscans de Fivizzano, Pietra-Santa et Barga, les districts lucquois de Castiglione et de Gallicano, enclavés dans le duché de Modène, et ceux de Minucciano et de Monte-Ignose, contigus au pays de Massa. Or, la population des