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1838 272 dont 190 «
1839 355 dont 228 «
1840 291 dont 221 «
1841 268 dont 195 «
1842 285 dont 204 «
1843 249 dont 117 «
1844 221 dont 150 «
1845 269 dont 200 «

Voilà donc, en quinze ans, 3,879 pièces, plus 150 pièces environ jouées en province, et principalement sur les théâtres des villes du midi.

La tragédie, qui garde, ne serait-ce que par son âge, un antique droit de préséance, ne figure dans ce tableau que pour un chiffre très restreint. En 1829, elle donne encore 11 pièces nouvelles ; elle en donne 7 en 1830, 2 seulement en 1832, et en 1835 elle disparaît ou ne se montre plus que sous une forme quasi-romantique. Casimir Delavigne, en essayant une sorte de conciliation entre l’ancien et le nouveau système, est le seul qui réussisse encore à se faire écouter et applaudir. Les vieux classiques se contentent de se faire imprimer, et la tragédie traditionnelle, repoussée du théâtre, se réfugie dans les livres. Nous avons compté, dans la période qui nous occupe, une soixantaine de pièces non représentées et précédées de préfaces dans lesquelles les auteurs déclarent qu’ils ne s’adressent qu’aux gens de goût, que-leur unique intention a été de venger Melpomène, et qu’ils attendent pour se faire jouer des jours meilleurs. Fidèles aux vieux sujets et aux vieux titres, ces obstinés classiques, qui se font gloire de ne comprendre ni Shakespeare ni Lope de Vega, évoquent dans leurs poèmes en cinq actes et en vers alexandrins sentencieux tous les héros répudiés par l’école moderne, et on voit figurer dans leur répertoire quatre Annibal, non compris l’Annibal de M. Didot, qui est de beaucoup antérieur, un Thésée, une Hécube, un Télèphe, un Triumvirat et un Sylla, qui, bien entendu, n’est point le Sylla de M. de Jouy. Au milieu des saturnales les plus violentes de l’école moderne, la tragédie, telle que la comprenait Poisinet de Sivry, trouvait encore dans le monde officiel des partisans nombreux, et l’on vit en 1836, lors du vote de la chambre sur la subvention du Théâtre-Français, un député classique monter à la tribune et déclarer qu’il consentait à voter la subvention, mais sous la réserve que les tragédies jouées à ce théâtre seraient désormais en cinq actes et en vers, que les vers seraient en rimes riches, qu’on observerait strictement les règles de la césure, et que les enjambemens seraient proscrits sans pitié. Des œuvres telles que les voulait et telles qu’en avait fait l’honorable député n’étaient cependant point de nature à réconcilier le public avec la tragédie, et ce fut par l’ancien répertoire que s’opéra la réconciliation. Les feux d’artifice tirés par la nouvelle école avaient un instant ébloui la foule, mais en fatiguant les yeux ; on chercha bientôt une lumière plus douce, et, en 1839, on vit reparaître sur les affiches du Théâtre-Français Tancrède, Mithridate, Bajazet ; Cinna, Polyeucte, Athalie, etc. Les Grecs et les Romains allaient une fois encore remonter sur la scène dont ils s’étaient exilés quinze ans. L’anarchie dans laquelle étaient tombés les novateurs, leur épuisement, le désordre de leurs compositions, avaient préparé une sorte de réaction classique. Une nouvelle