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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 novembre 1847.


Décidément, se bat-on ou ne se bat-on pas en Suisse ? On ne s’aborde plus qu’avec cette éternelle question, et en vérité elle en deviendrait ridicule, si elle n’était profondément triste. Tous les jours, le télégraphe, sentinelle vigilante, regarde du haut de sa tour s’il ne voit rien venir. C’est toujours pour demain. Ah ! si ce devait, en effet, être toujours pour demain, il y aurait quelque chose d’odieux à se montrer impatient ; il ne faudrait pas se plaindre de ces lenteurs qui ajournent l’effusion du sang. Ce n’est pas un drame de théâtre que nous attendons, c’est une vraie tragédie qui fera couler le sang des hommes et les larmes des femmes. Mais puisqu’elle doit fatalement éclater, cette lutte impie, il y a de la cruauté à ce que l’oppresseur tienne aussi long-temps sa victime sous le coup meurtrier. Chaque jour, un cercle de fer se resserre autour des cantons fidèles et les étreint de plus en plus. L’armée radicale choisit ses morceaux ; c’est sur Fribourg que portera sa première attaque. Fribourg est isolé ; il n’est pas, comme Lucerne, adossé aux petits cantons ; trente mille hommes sont en marche pour l’écraser ; Berne donnera d’un côté, Vaud et Genève de l’autre. Quelle noble campagne ! Demain, sans doute, on connaîtra le résultat de la première attaque ; on saura ce qu’ont fait trente mille radicaux contre une petite ville dont la plus grande force est dans la justice de sa cause. Fribourg sera écrasé peut-être, mais ce sera après une telle résistance et au prix d’un tel sacrifice de sang, qu’un cri d’horreur et d’indignation jaillira du cœur de l’Europe et demandera la répression de pareils crimes. Ce sentiment vengeur se fait déjà jour de toutes parts ; la conscience publique se révolte de plus en plus à la vue de cette violation fla-