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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/763

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LES


PINCHEYRAS.




I.

Il y avait à peine un an que la bande des factieux connus sous le nom de Pincheyras avait été détruite et le Chili délivré des derniers ennemis de son indépendance, lorsque je quittai Buenos-Ayres pour me rendre à Valparaiso à travers les pampas. L’instant n’était pas bien choisi ; la République Argentine, poussant jusqu’au bout les conséquences d’une émancipation prématurée, rejetait les hommes du parti unitaire et civilisateur pour suivre les héros de la fédération et de la barbarie. La campagne triomphait et les villes tremblaient. D’un autre côté, les Indiens, reprenant l’offensive, avaient pillé les habitations sur plusieurs points et battu les volontaires de Cordova. L’audace de ces dangereux voisins répandait la terreur sur toute la frontière du sud, et l’on dirigeait contre eux cette expédition fameuse dont le résultat définitif fut la rentrée au pouvoir du président Rosas. Les routes n’offraient pas non plus une grande sécurité. Arrêtés en chemin par les mille contre-temps auxquels les voyageurs sont exposés dans ces plaines inhospitalières, nous ne mîmes pas moins de deux mois à parcourir les trois cents lieues qui séparent la Plata de la Cordilière. L’hiver marchait plus vite que nous ; un vent glacial balayait ces solitudes attristées, qui portaient les traces des dévastations commises la veille par les sauvages,