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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/858

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libations sans vin, sobres expiations, festins nocturnes, à l’heure où l’on n’invoque jamais les autres dieux[1]. » Pallas reçoit les vœux des hommes au milieu du jour ; la troupe sacrée s’avance sur les bords fleuris de l’Ilissus ; hommes et femmes sont parés de riches vêtemens ; la joie brille sur les visages ; la lyre et la flûte accompagnent les chants ; ils arrivent au pied du temple inondés de lumière, et comme enivrés de l’ardeur du jour.

C’est ainsi que les Grecs mettaient leurs temples et leurs fêtes en harmonie avec le caractère de leurs divinités. On ne saurait trop s’étonner du peu d’exemples que nous trouvons chez eux de l’ordre corinthien, comme si la grace un peu affectée de cette architecture n’eût pas eu assez de grandeur et de noblesse à leurs yeux, et n’eût pu convenir à leurs divinités puissamment conçues. Tout au plus cet ordre eût-il convenu à des héros ou à des demi-dieux qui, sortis de l’humanité, n’avaient pu qu’approcher de la majesté divine. L’ordre dorique était principalement consacré aux dieux et aux déesses dont le caractère dominant était la puissance et la majesté ; l’ionique convenait à ceux dont la grace et la douceur étaient les principales qualités. A l’époque où fut construit le Parthénon, les Grecs, habiles en matière de philosophie et plus encore dans l’interprétation de leurs dogmes religieux, avaient conçu de Dieu une grande idée ; les plus sages d’entre eux, — et les artistes étaient de ce nombre, — avaient analysé et approfondi la nature de la divinité ; la dégageant des liens de la matière, ils en avaient fait le type idéal du vrai, du bien, du beau. Cependant, comme en Grèce l’homme est tout entier dans tous ses ouvrages, ce νοΰς, cette raison pure qui, chez Descartes ou Leibnitz, conçoit si facilement l’idée sans figure et sans matière, ne se séparait pas volontiers de l’imagination et des sens : tout attribut, toute action de Dieu se revêtaient aussitôt d’une forme sensible ; pour être comprise des hommes et animer à leurs yeux la nature, il fallait que la divinité prît leur figure et qu’elle habitât parmi eux.

De tous les temples de la Grèce, celui qui dans son ensemble et dans ses parties exprime le mieux ce caractère divin, c’est sans contredit le Parthénon. L’image de Minerve s’élevait dans une enceinte gracieusement ornée et riche comme la demeure de son père ; elle apparaissait au milieu toute resplendissante de lumière, pure et sans nuages comme la pensée de Dieu qu’elle exprime. On reconnaissait en elle la raison éternelle qui juge avec sagesse et sait toutes choses. « Elle n’avait point été nourrie dans les ténèbres du sein maternel ; quelle déesse, en effet, eût jamais produit un tel rejeton ? » Les jours de fête, le manteau de laine teint de pourpre orientale et brodé par les vierges d’Athènes parait la statue de la déesse, et les intervalles des colonnes étaient ornés de guirlandes de fleurs. A l’instant où le pronaos venait à s’ouvrir et où le peuple, accompagnant la pompe sacrée, apercevait au milieu de la cella la déesse brillante des rayons du soleil et occupant par sa majesté toute sa demeure de pourpre et d’or, qui donc n’eût adoré la fille de Jupiter ?

L’ordre dorique, mieux employé pour les dieux que pour les déesses, à cause de la gravité de son style, convenait cependant mieux que tout autre à Minerve. En effet, n’est-ce pas cette déesse qui dit d’elle-même : « Je n’ai pas de mère qui m’ait donné la vie ; c’est le sexe viril que je préfère ; il a tout mon cœur, mais

  1. Eschyle, Orestie.