Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/871

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mêmes étaient choisis par le suffrage des bourgeois[1]. Dans l’origine, il ne paraît pas que le privilège d’un vote dans l’assemblée nationale dépendît de la volonté du souverain ; on a lieu de croire au contraire que toute commune, c’est-à-dire toute ville indépendante d’un seigneur temporel ou ecclésiastique, pouvait envoyer ses députés aux cortès, y porter son vote ou plutôt y exprimer ses voeux, consentir enfin ou se refuser aux demandes des princes. Mais toutes les villes n’appréciaient pas également les avantages d’une telle représentation, et les dépenses qu’entraînaient l’envoi et l’entretien des députés semblaient à beaucoup de conseils une lourde charge que ne compensait pas la gloire de participer aux grandes délibérations politiques[2]. Ils remettaient leurs cahiers à la députation d’une autre ville et la chargeaient de défendre leurs intérêts, en sorte que telle commune, qui n’avait qu’un vote aux cortès, y portait cependant les vœux de plusieurs autres communes. Les rois, obligés d’abord de sommer les villes d’envoyer leurs mandataires aux cortès, prétendirent au droit de désigner celles qui jouiraient de ce privilège, dès qu’il commença d’être estimé à sa juste valeur. De là une représentation irrégulière de la bourgeoisie, fondée sur des précédens plus ou moins contestables, et souvent sans aucun égard pour la population, les richesses, en un mot, l’importance relative des différentes villes.


III.

Quelque opposées que fussent les prétentions des communes et les exigences des rois, un danger commun les réunissait fréquemment. L’humeur turbulente des riches-hommes effrayait à bon droit les conseils des villes, en même temps qu’elle insultait l’autorité royale. Il faut se représenter les seigneurs de cette époque comme autant de petits despotes, à peu près indépendans, toujours prêts à envahir le territoire des villes de leur voisinage, à troubler leur commerce, à rançonner leurs marchands, d’ailleurs n’obéissant au souverain qu’autant qu’ils y trouvaient quelque avantage.

On peut apprécier cette indépendance par la timidité des mesures prises pour la réprimer. Les anciennes lois de Castille défendent aux nobles de piller, maltraiter ou tuer leurs ennemis personnels, avant de leur avoir déclaré la guerre. Neuf jours après cette déclaration, tout acte d’hostilité devient légitime[3]. Ainsi, le droit de paix et de guerre,

  1. Cfr. Capmany, Practica de las Cortes, p. 231. — Marina, part. I, cap. XX.
  2. Sempere, Historia de las Cortes, 56.
  3. « L’empereur don Alphonse établit dans les cortès de Najera qu’aucun gentilhomme (fijodalgo) n’en frappât un autre, ni le tuât, ni ne courût sa terre, ni ne lui fit dommage ou déshonneur, à moins de le défier au préalable et de renoncer à son amitié, Et celui qui frapperait on tuerait avant le terme de neuf jours à partir du défi doit être tenu pour félon (alevoso), et peut être accusé comme tel devant l’empereur ou le roi. » V. Ordenamiento de Alcala, l. XLVI, cap. XXXII. — Fuero viejo. tilol V, I. I.