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Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/898

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Nuñez. En ce moment un des principaux adhérens de ce chef regretté, don Garci Laso de la Vega, se trouvait à Burgos avec une troupe nombreuse de vassaux et de cliens. A l’approche du roi, il sortit au devant de lui et vint le rencontrer à quatre lieues de la ville, près d’un bourg nommé Celada. Dans son orgueil féodal, Garci Laso marchait accompagné d’une escorte princière. Ses deux gendres, Rui Gonzalez de Cartañeda et Pero Ruiz Carrillo[1], son petit-fils, Gomez Carrillo, conduisaient à sa suite une multitude de chevaliers et d’écuyers, la plupart parens pauvres vivant de sa large hospitalité, toujours prêts en retour à épouser ses querelles, habitués à lui obéir comme à un chef de guerre et un père de famille. On ne manqua pas de faire remarquer au jeune roi cet appareil qui semblait destiné plutôt à le braver qu’à lui faire honneur. Dès la première entrevue, Manrique, créature d’Alburquerque, et l’ennemi particulier de Garci Laso, échangea publiquement avec ce seigneur des paroles hautaines. En présence même du roi une querelle bruyante s’engagea, prévue sans doute et préparée par le ministre. Le roi imposa silence aux deux adversaires qui, pour cette fois voulurent bien obéir ; mais, le lendemain, comme on se mettait en marche pour Burgos, Garci Laso et les siens parurent en armes et plus nombreux que la veille. Déjà Manrique et les cavaliers de sa suite revêtaient leurs armures à la hâte, les deux troupes faisaient mine de vouloir se charger, lorsque le roi, accourant en personne, prévint encore un conflit. On leur ordonna de marcher en deux gros distincts assez éloignés l’un de l’autre pour éviter toute occasion de désordre. Cependant les bourgeois de Burgos, instruits de ces querelles, envoyèrent à Celada une députation pour représenter au roi le danger que courrait la ville en recevant à la fois les deux factions ennemies, et pour le supplier de n’y entrer qu’avec une escorte peu considérable. On ajoutait que les habitans verraient avec peine dans leurs murs la présence d’Alburquerque, dont ils connaissaient les mauvaises dispositions à leur égard. Bien que présentées avec toutes les formules de respect et d’humilité, ces remontrances trop libres déplurent à un jeune prince ignorant les privilèges et les franchises des communes, et instruit par sa mère et son ministre à croire que tout devait plier devant ses volontés. Alburquerque n’eut pas de peine à traduire en menaces factieuses le message du conseil de Burgos. Il fallait, dit-il, donner une leçon à ces bourgeois arrogans, et en faire un exemple pour intimider ceux qui voudraient les imiter. Au nom du roi, il répondit à la députation qu’il n’appartenait pas aux communes de régler l’escorte d’un roi de Castille ; et sur-le-champ don Pèdre, avec sa petite armée, marcha vers la ville, lances hautes et enseignes flottantes.

Manrique le précédait avec une avant-garde, et déjà s’était logé militairement

  1. Le même probablement qui avait accompagné don Henri dans sa fuite.