Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/234

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre est sire Olaf, qui marche avec assurance et sérénité : sa bouche vermeille sourit.

Et, avec le sourire sur ses lèvres vermeilles, il dit au roi, sombre et soucieux : « Je te salue, beau-père ; c’est aujourd’hui que je dois te livrer ma tête.

« Je dois mourir aujourd’hui… Oh ! laisse-moi vivre seulement jusqu’à minuit, afin que je fête mes noces par un festin et par des danses.

« Laisse-moi vivre, laisse-moi vivre jusqu’à ce que le dernier verre soit vidé, jusqu’à ce que la dernière danse soit dansée… Laisse-moi vivre jusqu’à minuit. »

Et le roi dit au bourreau ; « Nous octroyons à notre gendre la prolongation de sa vie jusqu’à minuit… Tiens prête ta bonne hache. »


II.


Sire Olaf est assis au banquet de ses noces, il vide son dernier verre ; l’épousée s’appuie sur son épaule et gémit. — Le bourreau se tient devant la porte.

Le bal commence, et sire Olaf étreint sa jeune femme, et, dans une valse emportée, ils dansent à la lueur des flambeaux la dernière danse. — Le bourreau se tient devant la porte.

Les violons jettent des sons joyeux, les flûtes soupirent tristes et inquiètes ; les spectateurs ont le cœur serré en voyant danser les deux époux. — Le bourreau se tient devant la porte.

Et, tandis qu’ils dansent dans la salle resplendissante, sire Olaf murmure à l’oreille de sa femme : « Tu ne sais pas combien je t’aime ! Il fera si froid dans le tombeau ! » — Le bourreau se tient devant la porte.


III.


« Sire Olaf, il est minuit ; ta vie est écoulée ! Tu la perds en expiation d’avoir suborné une fille de roi. »

Les moines murmurent les prières des agonisans ; l’homme au manteau rouge attend, armé de sa hache brillante, auprès du noir billot.

Sire Olaf descend le perron de la cour, où luisent des torches et des épées.

Un sourire voltige sur les lèvres vermeilles du chevalier, et, de sa bouche souriante, il dit :

« Je bénis le soleil, je bénis la lune et les astres qui étoilent le ciel. Je bénis aussi les petits oiseaux qui gazouillent dans l’air.

« Je bénis la mer, je bénis la terre et les fleurs qui émaillent les prés ; je bénis les violettes, elles sont aussi douces que les yeux de mon épousée.

« Ô les doux yeux de mon épousée, les yeux couleur de violettes, c’est par eux que je meurs !… Je bénis aussi le feuillage embaumé du sureau sous lequel tu t’es donnée à moi. »


HARALD HARFAGAR.


Le roi Harald Harfagar habite les profondeurs de l’Océan avec une belle fée de la mer ; les années viennent et s’écoulent.