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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/431

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sentimens plus modérés que montrait le gouvernement autrichien. Celui-ci redoutait, en effet, que les mécontens hongrois ne s’entendissent, comme ils l’avaient fait un siècle auparavant, avec la France : des indices très sérieux l’avaient alarmé sur ce point. Il est certain que l’empereur Napoléon, encouragé par les déclamations des principaux chefs de l’opposition, avait essayé d’entamer avec eux quelques négociations. On ne voit point, dans les documens ou les mémoires de cette époque, que les choses soient allées au-delà de projets coupables. J’ai vu moi-même, en Hongrie, entre les mains d’un vieux soldat de l’insurrection hongroise, une proclamation de l’empereur Napoléon. Cette proclamation, adressée aux mécontens, est imprimée sur trois colonnes, en français, en allemand et en hongrois, et contresignée du nom populaire et hongrois de Sàndor[1]. « Hongrois, y est-il dit, les Français ne sont point en guerre avec votre brave nation ; ils viennent vous arracher à l’oppression de la maison d’Autriche, contre laquelle vos pères ont si long-temps combattu. Assemblez-vous de nouveau dans les plaines de Râkôs, et choisissez librement, selon votre antique constitution, un gouvernement national dont la France sera la plus sûre alliée. » Ces appels à la révolte, ces procédés peu conformes au droit des gens, rencontrèrent une résistance énergique dans la masse fidèle de la nation. La diète oublia même ses griefs pour repousser l’ennemi commun, et l’insurrection hongroise soutint vaillamment, le 14 juillet 1809, au combat de Raab, l’effort de l’avant garde des armées françaises.

De plus grands sacrifices furent consentis en 1812, grâce à l’influence décisive du palatin ; dans un discours interrompu plusieurs fois par l’émotion de l’assemblée, il déclara à la diète qu’il fallait « que la Hongrie sauvât encore l’empire, comme au temps de Marie-Thérèse, et que l’empereur ne voulait pas invoquer ses droits, mais en appeler au dévouement de ses sujets. » Les événemens de 1814 et de 1815 se précipitèrent ; la Hongrie fut mal récompensée des sacrifices de tout genre qu’elle avait faits pour la cause de l’Europe, et de la maison d’Autriche en particulier. On n’avait plus besoin d’elle, et on ne se souvint guère que des dispositions hostiles que l’opposition avait manifestées dans les dernières diètes. D’ailleurs les esprits, à cette époque, et en Autriche surtout, n’étaient guère favorables au développement des idées constitutionnelles. L’Autriche s’opposait à ce que les souverains allemands accordassent à leurs états les chartes qu’ils avaient promises pour stimuler l’ardeur du patriotisme ; elle ce souciait encore moins de réveiller chez elle la vie et les agitations parlementaires. Depuis

  1. Saudor (Alexandre), nom du prince de Wagram, Alexandre Berthier.