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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/442

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deux fois et mourut tranquillement maître de l’Acropole, laissant la tyrannie à ses fils. Il faut lire dans Hérodote ou dans l’Histoire de la Grèce le récit de ces révolutions et de ces restaurations, qui se passent toujours en douceur, grâce à la mansuétude des mœurs athéniennes. La seconde fois que Pisistrate rentra dans Athènes, il s’avisa de cette ruse, que j’hésite d’autant moins à rappeler qu’elle ne peut servir aujourd’hui à aucune réaction. Monté sur un char magnifique, il entra bravement dans Athènes, par la route la plus fréquentée, accompagné d’une fort belle fille habillée en Minerve, et précédé de gens qui criaient : « C’est Minerve qui nous le ramène. » Tous les dévots firent chorus, et l’on s’empressa de rendre le pouvoir au favori de la patronne d’Athènes. Hérodote, qui tranche rarement de l’esprit fort, se permet en cette occasion de rire de la crédulité des Athéniens, et M. Grote le reprend avec raison de cette velléité de scepticisme, qui ne lui sied guère. En effet, le même Hérodote est assez disposé à croire que Thésée se battit pour les concitoyens à Marathon, et il n’y a rien d’extraordinaire qu’une belle courtisane, encore inconnue au public, passât pour Minerve auprès des dévots, lorsque, nombre d’années après, les femmes nerveuses s’évanouissaient au théâtre en voyant entrer en scène des comparses habillés en furies.

Pisistrate fut un homme d’esprit. Il n’abolit pas brutalement la constitution de Solon, il se contenta de l’éluder ; satisfait d’avoir l’autorité réelle, il en conserva l’ombre aux assemblées populaires. Despote prudent, personne ne sut mieux que lui jusqu’où pouvait aller la patience des Athéniens. Ses fils ne gardèrent pas la même mesure ; ils furent chassés, et, réfugiés auprès du roi de Perse, le poussèrent à envahir la Grèce.

Les Pisistratides bannis d’Athènes, on voulut rendre toute sa force à la constitution de Solon. Clisthènes, petit-fils de ce despote de Sycione dont j’ai déjà parlé, devenu archonte, fut chargé de réformer les abus que la tyrannie avait introduits. En prétendant interpréter et développer les institutions soloniennes, il fonda en réalité le gouvernement démocratique. Solon avait donné le droit de suffrage à tous les Athéniens ; mais, pour être citoyen, il ne suffisait pas d’être né dans l’Attique, il fallait encore appartenir à une tribu. Il y en avait quatre qui reconnaissaient chacune pour héros éponyme un des quatre fils d’Ion ; ainsi tous les Athéniens pouvaient se croire de la même famille. En dehors des quatre tribus, on était étranger. Clisthènes abolit les quatre tribus anciennes et en créa dix nouvelles, sans aucun égard pour les généalogies. Ainsi une nouvelle et nombreuse classe de citoyens fut appelée à jouir des droits réservés jusqu’alors à une caste privilégiée. Les Pisistratides menaçaient de rentrer dans l’Attique le fer et la flamme à la main ; il fallait se préparer à la guerre. Clisthènes voulut