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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/714

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LA


PRAGUERIE DE 1848




Lorsque dans les premières années du XVe siècle on entendit parler en France de la guerre des hussites, ces horreurs lointaines frappèrent fortement les imaginations au milieu même des calamités du pays, et l’on inventa le mot de praguerie pour exprimer les désordres et les violences de toute sorte dont ce temps-là était attristé. Ce fut notamment le nom populaire de la grande sédition féodale de 1440. L’Europe est aujourd’hui si inquiétée dans tous les sens, qu’elle ne s’est pas assez aperçue du trouble profond qui a remué dernièrement encore la Bohême entière, pour éclater enfin à Prague sous la mitraille autrichienne. Le spectacle avait pourtant son originalité. Cette nouvelle praguerie, comme celle du moyen-âge, était aussi une agitation soulevée par le sentiment national d’une race aux prises avec une autre ; mais, tandis qu’au moyen-âge le choc des nationalités hostiles se dissimulait derrière la lutte des croyances, c’est à présent la nationalité qui s’insurge à découvert et réclame de par son seul droit. La guerre n’est plus entre catholiques et schismatiques, elle est entre les Tchèches et les Allemands.

Au XVe et même encore au XVIIe siècle, à l’époque de la guerre de trente ans, toutes les dissidences nationales, politiques ou sociales, se traduisaient volontiers par des dissidences religieuses. Le moyen-âge eut ses socialistes : ce furent des théologiens angéliques ou hérétiques.