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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/725

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cri des Tchèches en même temps que des Italiens. La conduite des autorités impériales vis-à-vis de ce mouvement ne pouvait guère inspirer beaucoup de confiance à ceux qui auraient voulu rester fidèles au lien germanique. Il était, en effet, trop facile de remarquer avec quelle déférence on accueillait d’en haut le rapide progrès du parti tchèche. Le comte Stadion cédait la place de burgrave au comte Léon Thun, un patriote dont le nom seul avait une signification décisive. « Il fallait, disait le comte Stadion dans sa déclaration d’adieu, il fallait, en un pareil moment, à la tête du gouvernement de la Bohême un homme comme Léon Thun, qui avait pris un si vif intérêt au développement politique du pays, et qui, par son long séjour, était à même d’en connaître les besoins et les vœux. » Le comte Stadion lui-même, entouré de Tchèches fort habiles et fort actifs, avait déjà donné des gages sérieux à leur nationalité. Il avait pris ce rôle de conciliateur que l’autre Stadion jouait en Gallicie, et qui lui réussissait si bien ; il faisait plus que son rôle. Il avait officiellement reconnu la compétence du comité national, et l’avait installé sous sa présidence dans le palais des états comme une espèce de parlement préparatoire, d’assemblée constituante de Bohême, un pendant du Vorparlament de Francfort. L’objet capital des débats du comité, c’était naturellement la grande question : — Le royaume de Bohême ne devait-il pas se détacher de l’Allemagne ? devait-on souffrir en Bohême une autre cocarde que la cocarde tchèche ?

Les Allemands, si directement inquiétés, retrouvèrent enfin quelque esprit de résistance. À Prague même, on organisa un cercle germanique, et l’on fonda un journal pour appeler la sollicitude de la mère-patrie, pour tenir tête aux provocations séparatistes des journaux tchèches. On se mit en rapport avec les districts allemands ; on tâcha de secouer leur apathie ordinaire ; on exploita les jalousies qui pouvaient diviser les petites branches de la famille tchèche ; on obtint des protestations locales contre l’influence accaparante du comité directeur de Prague, « ce soi-disant comité national qui n’émane point de la nation, » comme s’exprimaient quatre cents bourgeois tchèches de Deutschbrod. Les principautés de Troppau et de Jägerndorff s’unissaient aux réclamations de la Moravie par un manifeste solennel lancé contre Prague. « Nous ne voulons point, écrivait-on dans le manifeste, nous attacher à la Bohême, mais bien à notre empereur et duc, au cœur de la monarchie, à l’archiduché d’Autriche. » Le district de l’Eger annonçait les mêmes sentimens. Enfin, en même temps qu’on organisait à grand bruit un corps franc pour la croisade contre le Danemark, on envoyait députés sur députés pour prêcher à Vienne une croisade contre les Tchèches. Par malheur, le corps franc se trouva de dix hommes quand il fallut partir, et les députés qui se présentèrent à Vienne au ministère de l’intérieur en implorant le secours de l’empire