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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/728

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toujours à Vienne. Cette lettre était un manifeste en trois articles. — La diète qui allait s’ouvrir à Francfort devait être le congrès des peuples et non plus celui des princes. L’histoire disait bien que les princes des Slaves s’étaient ainsi rapprochés des princes allemands ; mais, de peuple à peuple, il n’y avait point eu de rapprochement pareil, et il ne pouvait y en avoir ; un citoyen slave n’avait rien à faire dans une assemblée de citoyens allemands. Puis cette assemblée de Francfort ruinait à jamais la consistance de l’Autriche ; elle empêchait la fondation de ce grand empire du Danube, devenu de toute nécessité pour arrêter les Russes sur le chemin de la monarchie universelle, car la capitale prédestinée pour cette mission magnifique était bien sur le Danube et non pas sur le Rhin. Enfin, toujours selon Palazky, l’on ne pouvait réorganiser l’Allemagne en adoptant pour base le principe de la souveraineté du peuple, sans aboutir à une république allemande, et la république dans l’empire d’Autriche, c’était la porte ouverte aux Russes. — À ces trois griefs scientifiques ou politiques élevés contre leurs projets d’assimilation, les Allemands avaient, bien entendu, réponse prête, réponse de par le droit féodal, de par la loi de l’histoire, de par la nécessité surtout. C’était aux Tchèches de se conformer, puisque la nature les avait emprisonnés dans le giron de la race germanique ; c’était à la planète de suivre son soleil, au lierre parasite de se souder à l’écorce du vieux chêne allemand. Les comparaisons abondaient en l’honneur de la grande nation, qu’on glorifiait sans trop d’égards pour la petite. L’Autriche, en attendant, prenait beaucoup plus au sérieux ces diverses considérations. Il était vrai que la Bohême indépendante faisait justement l’effet d’un dard au cœur de l’Allemagne ; mais l’Autriche ne s’en inquiétait guère, et se retranchait derrière le mouvement tchèche contre l’invasion des unitaires allemands, à peu près comme elle avait, de longue date, l’utile habitude d’opposer les agitations slaves aux prétentions des Magyars.

On continuait ainsi l’ancienne tactique avec des institutions et dans des circonstances nouvelles. Le gouvernement autrichien n’imaginait pas encore jusqu’où monterait le fanatisme tchèche, et il croyait l’employer à son profit, ainsi que l’avaient cru les libéraux eux-mêmes, en se l’associant, le mois d’avant, contre la chancellerie de M. de Metternich. Les libéraux avaient été débordés et annulés ; le machiavélisme de cabinet devait à son tour se heurter aux barricades de juin. Néanmoins la lettre de Palazky donna le secret de la guerre qu’on pouvait diriger sur Francfort et de Prague et de Vienne : il n’y avait qu’à refuser les élections que les cinquante ordonnaient alors dans toute l’Allemagne par l’intermédiaire des princes, ces élections constituantes d’où sortait la diète impériale qui siège maintenant à Francfort.

A Vienne, sous le coup de la révolution, sous l’ombre menaçante de