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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/776

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seul, dans le dernier nombre, qui indique le mouvement de la navigation française, 191,325 tonneaux, c’est-à-dire près de 15 pour 100 de notre navigation au long cours, proportion qu’il faudrait élever de beaucoup, si l’on tenait compte de la navigation de la pêche, qui ne peut pas être exactement évaluée en tonnage.

On calcule le nombre de marins employés à la navigation coloniale à 5,466
Ceux pour la pêche de la morue destinée aux colonies à 5,550
Total des hommes embarqués pour le service de nos colonies 11,016

On le voit par ces chiffres, le commerce qu’alimentent les rapports de la France avec les établissemens coloniaux occupe une place importante dans les élémens de la prospérité générale, et mérite au plus haut degré de fixer l’attention du gouvernement et de l’assemblée nationale. Nos expéditions maritimes entretiennent l’activité des constructeurs de navires, forment et plient au dur métier de la mer plusieurs milliers de marins, toujours prêts pour le service de l’état, occupent, dans nos départemens du littoral, une population nombreuse, qui sans cette ressource manquerait de travail et serait livrée aux désordres de l’oisiveté et de la misère. Il est donc nécessaire de prévoir l’influence que l’émancipation des noirs peut exercer sur des intérêts si précieux.

Nous ne pouvons pas espérer que la même cause ait des effets différens, en passant des colonies anglaises sur notre territoire. Eh bien ! si nous recherchons quelles ont été les conséquences de l’abolition de l’esclavage sur le mouvement commercial de l’Angleterre, nous voyons que la différence en moins, entre quatre années de liberté complète et quatre années de travail forcé, a été de plus du quart, et cette différence n’a fait depuis qu’augmenter. Une réduction analogue a été opérée sur les importations des autres produits.

Nous serions heureux si le déficit de notre commerce maritime pouvait se réduire à de telles proportions ; mais il faut remarquer les circonstances qui ont pu atténuer beaucoup les pertes du commerce anglais. Nous mettons en première ligne la répartition de l’indemnité. On conçoit, en effet, qu’une somme de 500 millions distribuée immédiatement aux anciens propriétaires d’esclaves ait dû les aider à supporter la transition d’un régime à l’autre, et qu’elle leur ait permis, en facilitant le paiement de leurs ouvriers, de continuer leurs cultures. En second lieu, nous devons mentionner la législation sur les sucres, qui, par une protection habilement calculée, a fait retomber une partie des charges nouvelles sur le consommateur métropolitain.

On sait que le droit du sucre des Indes orientales anglaises était de 59 francs les 100 kilogrammes, tandis que le sucre étranger était