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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/812

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de rétrograder jusqu’à Ferrare, excita dans Rome et dans les provinces une irritation menaçante. D’une part, la révolte paraissait imminente, de l’autre, Charles-Albert mandait au général Durando qu’il était désormais sur le théâtre de la guerre dont lui-même était le chef, que tout général lui était par conséquent subordonné et ne devait plus recevoir d’ordres que de lui, qu’il eût donc à marcher sans se soucier des injonctions qu’il pourrait recevoir d’ailleurs. L’armée romaine appuya la protestation de Charles-Albert ; la population de Rome exigea du pape qu’il se rétractât. Durando se décida à marcher en avant, et il y fut autorisé, peu de jours après, par Pie IX lui-même.

La situation des provinces de la Vénétie était devenue des plus critiques, car le général Nugent descendait du côté de Trévise, d’Udine et de Bellune, à la tête de douze à quinze mille hommes, dans l’intention de se joindre avec Radetzki, toujours enfermé dans Vérone. Nugent dévastait tout sur son chemin, et prenait toutes les positions qui n’étaient pas assez fortes pour lui opposer une longue résistance. Et si l’on réfléchit que la Vénétie ne possédait pas à cette époque un seul régiment de ligne, on comprendra que l’armée du général Nugent dut y apporter l’effroi et y causer d’affreux ravages.

Après avoir traversé le Pô, Durando marcha lentement vers Trévise, qui était attaquée par les troupes de Nugent. Je dis qu’il marcha lentement, et en effet sa lenteur fut telle que la question était vidée avant qu’il y arrivât, et, grâce à la fermeté et à la bravoure des citoyens, elle le fut cette fois à notre avantage. Les soldats de Nugent, redoutant peut-être d’avoir à perdre trop de temps sous les murs de Trévise, renoncèrent à s’en emparer et se dirigèrent sur Bellune, Udine et Vicence. A peine avaient-ils abandonné les murs de Trévise et pris la direction d’Udine, que Durando rebrousse chemin, et, se résignant à la perte de toute une province, il court se placer à l’endroit où la route de Vienne vient déboucher à peu de distance de Vicence, sur la grande route de Milan à Venise. Il garde cette position pendant que Nugent s’empare de Bellune, d’Udine, de Bassano, et lorsque, n’ayant plus de villes à conquérir, Nugent descend en ligne directe sur Vicence, Durando se retire à Mestre. Nugent arrive sans être inquiété devant Vicence ; il attaque la ville et la bombarde pendant plusieurs heures. Les habitans, aidés par plusieurs corps de volontaires que commande le général Antonini, repoussent Nugent et le contraignent à lever le siège. Nugent s’y résout et reprend le chemin de Vérone, où il entre sans obstacles, amenant au maréchal Radetzki un renfort considérable.

Que devenait pendant ce temps le général Durando ? Il suivait lentement et à petites journées les troupes de Nugent, de manière à se tenir toujours à quelque distance du général autrichien ; et, lorsqu’il