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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/835

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décuple de la rente payée au propriétaire : c’est une avance de 800 à 1,000 francs par hectare. En France, en calculant à raison d’une tête de gros bétail par hectare, et sans viser à un outillage compliqué et dispendieux, il faudrait environ 600 francs. C’est à peine si les meilleurs fermiers des premières terres en fournissent le quart. M. Lullin de Châteauvieux estime à 42 francs 50 centimes par hectare la somme moyenne de ce qu’avancent les fermiers et la foule des propriétaires nécessiteux. Quant aux métayers, il évalue à 11 francs par hectare leur réserve disponible. On assure, en un mot, qu’il y a 29 millions d’hectares auxquels les possesseurs ne peuvent faire d’autres avances que celle de leur travail. Il en résulte que la France est peut-être le pays de l’Europe où l’agriculteur travaille le plus pour produire le moins. « Le même travail qui fournit 3 sacs de blé dans le midi de la France, et 4 dans le nord, en procure 18 en Angleterre[1]. »

Il est de règle, dans une agriculture avancée, de consacrer beaucoup plus d’espace à la nourriture des animaux qu’aux produits consommés par l’homme. Pour 4 millions d’hectares emblavés, la Grande-Bretagne en a 12 en prairies naturelles ou artificielles, en grains inférieurs ou en racines destinées aux étables : là est le secret de sa supériorité. Glissez légèrement sur les chiffres de la statistique française, et vous trouverez une relation assez satisfaisante pour l’œil : 11 millions d’hectares semés en céréales et 26 millions pour fourrages ; mais qu’on en vienne aux faits, que trouve-t-on ?


hectares.
Grains destinés aux animaux (orge, avoine) 4,188,523
Prairies naturelles 4,198,198
Prairies artificielles 1,576,547
Jachères utilisées comme pâturages 6,763,282
Communaux, landes, pâtis, bruyères 9,191,076
25,917,626

À ce compte, près des deux tiers de la superficie se composeraient de terres dépouillées ou complètement incultes. La jachère nue où croissent naturellement quelques herbes, les landes communales écrasées par le parcours et Infécondes, quoique souvent de bonne qualité, fournissent à peine en alimens la dixième partie du rapport des bons herbages, de sorte que les 26 millions d’hectares destinés aux animaux n’en représentent pas 12 en réalité.

La France possède 51 millions d’animaux domestiques, qui

  1. J’emprunte cette assertion à M. Rubichon, et je lui en laisse la responsabilité. M. Rubichon, qui a publié, en collaboration avec M. Mounier, une Statistique agricole, professe, à chaque page, la foi politique de Joseph de Maistre, dont il reproduit parfois l’accent passionné.