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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/950

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eut à subir une nuée de quolibets et même de sifflets sur son passage. Dans l’église, le procureur commença par proclamer l’élection ; puis, sur l’invitation du vicaire-général, un greffier dit à haute voix :

« Oyez ! oyez ! oyez ! vous tous qui voulez vous opposer à la consécration du révérend Hampden, etc., avancez et exposez vos objections, et vous serez entendus. » Alors un opposant, fondé de pouvoirs de plusieurs membres du clergé, s’avança et déclara protester ; mais la cérémonie n’était qu’une farce. C’était absolument comme si, au couronnement, un champion des Stuarts se fut avancé pour relever le gant du chevalier royal. Le vicaire-général déclara tout simplement qu’il agissait sur un mandat de la couronne, issu en vertu du statut de Henri VIII, et poursuivit la cérémonie. A la sortie, le nouvel évêque fut accueilli dans l’église même et dans la rue par des sifflets qui couvrirent quelques rares applaudissemens ; ce fut une scène des plus tumultueuses et des plus burlesques.

Le scandale fut grand parmi la nation religieuse. Puisque les formes traditionnelles ne pouvaient plus être qu’une comédie, pourquoi était-on allé les chercher dans la poussière où elles dormaient et les avait-on livrées à la risée publique ? Mais la série des inconséquences n’était pas encore terminée. Les opposans en appelèrent à la cour du banc de la reine, par le motif qu’ils avaient été sommés de comparaître et qu’on avait refusé de les entendre. La cause fut débattue publiquement pendant plusieurs audiences. Les quatre juges, lord Denman, M. Erle, M. Patteson et M. Coleridge, se partagèrent. Les deux premiers jugèrent en faveur de la couronne, les deux autres en faveur des opposans, ce qui entraîna le rejet de l’appel. La question était de savoir si l’archevêque qui confirmait l’évêque nommé exerçait un pouvoir de juge ou simplement une fonction d’officier ministériel ; mais, lors même que les évêques auraient gagné leur cause, n’était-il pas évident qu’ils abdiquaient en principe leur autorité, puisqu’ils la soumettaient à la décision d’un tribunal séculier ? Eux qui s’élevaient contre l’érastianisme n’en donnaient-ils pas les premiers l’exemple ? D’un autre côté, pour ceux même qui l’acceptaient comme légitime, la décision de la cour n’était pas suffisante ; elle ne résolvait pas la question, car les juges s’étaient partagés, et les consciences troublées restaient dans le doute et dans l’obscurité.

Battu devant la plus haute cour laïque du royaume, l’évêque d’Exeter porta la question devant la législature, devant la chambre des lords. En présentant une pétition qui demandait l’abolition du statut de prœmunire, il revendiqua le droit de l’église d’intervenir dans la consécration des choix faits par la couronne. L’intrépide évêque dit à cette occasion ces paroles mémorables : « Ainsi interprété, ce statut brise le fil de la succession apostolique. Il n’est pas un membre de l’église, pas un dissident, pas même un incrédule, qui ne soit prêt à dire avec nous que si