Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/1008

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

exécrée. Ce qui s’appelle aujourd’hui parasitisme, rapines du capital, etc., en argot socialiste, s’appelait négociantisme en patois jacobin dans les discours de Robespierre et les proclamations de Carrier. On trouva dans les papiers de Robespierre une ébauche informe où cet esprit faux et féroce s’était confié à lui-même l’épouvantable ressort de sa politique. « Les dangers intérieurs, écrivait-il, viennent des bourgeois. Pour vaincre les bourgeois, il faut rallier le peuple ;… il faut que l’insurrection s’étende de proche en proche toujours sur le même plan, que les sans-culottes soient payés et restent dans les villes ; il faut leur procurer des armes, les colérer, les éclairer. Quand le peuple sera-t-il éclairé ? Quand il aura du pain, et que les riches et le gouvernement cesseront de soudoyer des plumes et des langues perfides pour les tromper ; lorsque leur intérêt sera confondu avec celui du peuple. Quand leur intérêt sera-t-il confondu avec celui du peuple ? Jamais. » Ne reconnaissez-vous pas dans ce langage la politique socialiste qui s’est déroulée sous nos yeux depuis la révolution de février ? Le socialisme révolutionnaire est donc une démence de l’esprit, une révolte de la chair et du sang, une colère des passions ; il n’est ni une doctrine ni une foi. Le socialisme, c’est la guerre.

Le socialisme est toute la révolution de février, disent ceux qui ont pris à cette révolution la part la plus active et la plus militante ; mais jusqu’à présent, grace à Dieu, le socialisme n’a été encore pour la France, comme la révolution de février, qu’une leçon et une menace, c’est-à-dire un avertissement. La France est toute-puissante encore contre ce fléau : au bout de cette guerre, c’est son existence qui est en question ; elle se défendra, nous le voyons bien depuis dix mois, avec ce victorieux instinct de conservation que Dieu a départi aux peuples comme aux individus. Dans tout ce qui l’a conduite au bord de l’abîme, — hommes, partis et doctrines, — elle voit maintenant des ennemis qu’il faut repousser. Dans tout ce que le socialisme attaque, religion, liberté, propriété, hiérarchie, discipline, elle doit voir sa sauvegarde et son salut. Pour nous tous, nous pouvons continuer la lutte avec confiance, car nous avons avec nous le progrès, la science et la foi. D’ailleurs, tous ceux qui aiment la France avec la fierté des souvenirs ont brûlé leurs vaisseaux, car, si le génie de notre nation devait, après avoir subi ces affronts qui l’ont humilié depuis dix mois, jamais succomber sous le désastre d’une république socialiste, quel est celui de nous qui voudrait lui survivre ?

Eugène Forcade.