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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/101

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collectif, ont été repoussés d’une manière absolue par le comité. Les membres de la commune ne sont que des usufruitiers ; ils ne peuvent, sans immoralité, réaliser les biens dont la jouissance seulement leur est transmise, et déshériter leurs descendans. Affermer les bonnes terres serait un moyen de les régénérer ; mais le prix du bail versé dans la caisse communale serait-il un dédommagement pour le pauvre ? Féconder le fonds par le travail en commun, ne serait-ce pas rétablir les corvées ?

Entre ces combinaisons, qui, avec cent autres, ont été essayées ou proposées en Europe depuis un siècle, l’embarras est fort excusable. Le comité de l’agriculture s’en tire en faisant de l’éclectisme. Il demande, par l’organe de son rapporteur, que les terrains disponibles dans chaque commune soient divisés en autant de lots qu’il y a de chefs de famille. Cependant, plutôt que de réduire les lots à une exiguïté dérisoire, on en diminuerait le nombre en commençant la distribution par les citoyens les plus pauvres. Les communes n’aliéneraient pas les fonds ; elles se contenteraient d’affermer les parcelles à longs termes, moyennant une redevance calculée sur le taux de 30 à 40 francs par hectare, à verser dans la caisse municipale. On suppose qu’une somme double resterait au locataire pour prix de ses peines.

Il m’en coûte de protester contre une combinaison dictée par un sentiment de sympathie que je partage. Néanmoins j’aurais à me reprocher mon silence, si je m’abstenais de dire que, dans ma conviction, le système du comité est le plus funeste aux intérêts généraux du pays, le plus illogique eu égard à l’état de notre agriculture, le plus stérile pour ceux même qu’on prétend secourir. Quelles sont les causes de notre infériorité agricole ? Les faits que nous avons consultés ont assez clairement répondu : morcellement du sol, insuffisance du capital. Eh bien ! le projet du comité émiette les dernières surfaces laissées intactes, et il s’adresse précisément aux plus pauvres pour l’opération la plus dispendieuse de l’agriculture.

2,792,803 hectares de communaux à partager entre 36,666 communes rurales donnent, par groupe, une étendue moyenne de 76 hectares. Admettons 150 à 200 familles par commune : fera-t-on des lots d’un demi-hectare ? Non ; car l’addition d’une si faible parcelle détruirait le pâturage commun sans enrichir personne. On fera des lots un peu plus forts, que l’on attribuera, dit-on, aux plus pauvres ; mais qui choisira ? Instituera-t-on un concours de la misère ? Admettra-t-on les ouvriers pauvres ou seulement les pauvres propriétaires ? Encore faudra-t-il que les élus possèdent quelques ressources pour féconder le lot qu’on leur aura confié : il faudra qu’ils offrent quelques garanties pour le paiement des fermages convenus.

Améliorer, c’est attendre. On dit proverbialement qu’un fermier doit