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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/112

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rétribution de la main-d’œuvre augmente dans la mesure des services qu’elle a rendus. Un simple amendement à l’ancienne règle du métayage réaliserait cette condition : il suffirait de remplacer le partage du produit brut en nature par une répartition proportionnelle du produit net. Je vais m’expliquer.

Les bonnes terres soumises au métayage donnent à peine une rente de 40 francs net par hectare au propriétaire, après la reprise de ses avances pour l’impôt et les frais courans d’exploitation. Une famille laborieuse, placée sur une métairie de moyenne étendue, c’est-à-dire d’une dizaine d’hectares, peut réaliser de 600 à 800 francs, sur lesquels il faut déduire le prix de sa nourriture et certains frais à sa charge. Il semble qu’à ce compte le travail de quatre à cinq personnes est peu payé ; mais il est constaté, suivant un compte exact dressé par M. de Gasparin, que, dans l’état barbare de notre culture à moitié fruits, le métayer travaille seulement cent cinquante-huit jours ; ainsi, quoique la famille ait à peine à dépenser 2 francs par jour, chaque journée de travail effectif, déduction faite des chômages, est cependant payée à raison de 4 à 5 francs. On comprendra par là comment il se fait que 10 hectares de bonnes terres ne laissent pas à partager entre le maître et le colon plus de 1,000 à 1,500 francs.

Si le propriétaire avait avantage à fournir sans lésinerie le capital d’amélioration nécessaire, si l’ouvrier trouvait son compte à travailler le plus et le mieux possible, si les chômages étaient supprimés par une habile ordonnance des cultures, on obtiendrait infailliblement un revenu brut plus considérable. Le partage, non plus en denrées, mais en valeurs numéraires, s’établirait sur les bases suivantes : pour le propriétaire, intérêt fixe et prime éventuelle proportionnés à la valeur du fonds et au capital de roulement fourni par lui ; pour le métayer, salaire fixe payable en nature et prime éventuelle payable en argent, après la vente des produits, dans la mesure du travail fourni par lui et par sa famille.

On saisit l’esprit de la modification proposée. L’état actuel du métayage, c’est le commerce retombé en enfance. Il nous reporte à ces premiers âges où la monnaie n’avait pas encore été inventée pour la juste pondération des échanges[1]. Dans le partage des récoltes en nature, une mauvaise métairie ne vaut que par le travail de l’ouvrier qui s’y épuise. Le maître touche un revenu très fort comparativement à la faible valeur qu’il engage. Si ce dernier consacrait une somme importante en travaux d’amélioration, il pourrait arriver qu’il retrouvât à peine l’intérêt légitime de ses avances, tandis qu’au contraire, le

  1. Le métayage, dans la Suisse et la Lombardie, n’est pas le même qu’en France ; il y devient souvent une société en participation très compliquée.