Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/247

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de soucis, qu’il peut miner la vie, si l’on n’a pas une confiance religieuse bien ferme ou au moins bien juste. Mais la défiance est une maladie que l’on doit attentivement chercher à détruire, car elle fait bien du mal.

« J’en reviens à vos chères lettres, à toutes vos inquiétudes pour nous, à vos peines, à vos soins et à vos courses ; tout cela me fait mal, je vous assure. Je voudrais vous les avoir évités, d’autant plus que votre santé me donne vivement à craindre par cette augmentation d’occupations ; comme si vous n’aviez déjà pas assez des vôtres !

« … Ah ! mon ami, cette vie est mêlée ; je ne vous le dis pas comme avertissement, ce serait une espèce de conseil que je n’oserais jamais vous donner.

« Je n’ai pas répondu sur-le-champ à votre lettre du 27, parce que cette incertitude de l’arrivée de mes caisses me coupait toute réflexion, anéantissait même tous mes projets pour cela. Je restais avec mon désir et ma reconnaissance, ce qui ne me rendait pas content, ne faisant pas ce que j’avais envie de faire, ni ce que le devoir me commandait ; mais, à la fin, votre dernière m’a redonné un contentement dont je ne puis assez vous remercier. Ce qui m’a fait le plus de plaisir dans son contenu a été d’y trouver toujours la marque de cette anxiété, qui m’est devenue si nécessaire. Si je l’eusse obtenue plus tôt, et que j’eusse pu suivre vos conseils, comme je le fais à présent, il est probable que je serais autrement placé ; mais la vie de ce monde ne dure pas : elle n’a qu’un temps. Si elle est heureuse, c’est un bien sans doute ; si elle ne l’est pas autant que l’on voudrait, il faut toujours chercher à y voir des espérances. Mais toujours mes interminables réflexions ! Elles doivent bien vous ennuyer. Mon ami, pardonnez-les-moi.

« Je n’ai aucun événement dont je puisse vous faire part et qui mérite une place ; je suis réduit à remplir ma lettre de mes pensées et de mes idées de chaque jour. J’ai cependant à vous faire les remerciemens de Joyant pour lui et ses tableaux. Il vous doit de savoir que ses peintures sont exposées

« Je dois répondre à une question que vous me faites dans votre avant-dernière lettre. Je vous avais demandé votre sentiment sur ma première composition, en le réclamant bien franc. A présent, je dois vous avouer que, sans ces dames de Florence, j’aurais bien probablement continué mon tableau comme il avait été conçu d’abord ; mais leurs observations réitérées m’ont fait réfléchir et changer, et voilà ce qui en est résulté.

« On a été ici généralement bien peiné et affecté de la mort de l’empereur d’Autriche. Chacun se plaît à en faire des éloges, comme homme surtout. Quelle bonne chose pour un souverain, dont toutes les passions peuvent être si facilement satisfaites ! Jusqu’à présent, la conduite de son successeur ne donne pas de craintes de changemens.