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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/336

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 octobre 1848.

Nous sommes encore émus, à l’heure où nous écrivons ces lignes, de cette anxiété qui, depuis trois jours, tient tous les esprits en suspens ; et maintenant que la crise vient de finir, maintenant quelle est noblement et courageusement terminée, c’est à peine s’il nous reste assez de temps et de calme pour en exposer les phases, pour en expliquer le caractère. En voici tout de suite le résultat : le ministère, disloqué par une succession de votes qui l’avaient enfin fait tomber en minorité, le ministère est reconstitué sur une base nouvelle. M. Dufaure, M. Vivien et M. Freslon entrent à l’intérieur, aux travaux publics, à l’instruction publique et aux cultes, en remplacement de M. Senard, de M. Recurt et de M. Vaulabelle. Le général Cavaignac s’est décidé à rompre avec la petite église pour se mettre de la grande. Nous l’en félicitons sincèrement, et nous souhaitons du fond de l’ame que sa loyauté lui porte bonheur. Nous remercions aussi les hommes de cœur dont le dévouement patriotique n’a pas reculé devant la difficulté des circonstances, devant l’incertitude de l’avenir ; nous nous sentons désormais moins inquiets de cet avenir inconnu : leur intelligence et leur honnêteté nous en répondent.

Il n’y avait plus cependant beaucoup encore à tarder, et c’était risquer singulièrement de différer davantage la satisfaction réclamée par l’immense majorité du pays. Depuis les commencemens de la république, la situation n’avait guère jamais été plus tendue : la surface était tranquille, plutôt morne peut-être ; le fond était troublé. Ce n’était pas de ces troubles violens qui éclatent en explosions sanglantes et soudaines, qui précipitent tout ; c’était une langueur générale, un désabusement, une désaffection : M. de Lamartine l’a dit à la tribune avec la vivacité poignante de ses impressions personnelles. La France était tout près de n’avoir pas plus de confiance dans son gouvernement qu’elle n’en avait eu, du 15 mai au 23 juin, dans la commission exécutive.

La confiance décroissait jour par jour, et les cotes de la Bourse, les comptes-rendus hebdomadaires de la Banque, traduisaient en chiffres irrécusables les