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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/381

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à l’avancement spirituel, on a déjà une grande consolation. Je suis bien éloigné de vous, cher ami, et pourtant vous êtes constamment avec moi. Tout ce que vous me dites se grave dans mon cœur, et mon attachement s’en augmente. Je n’ai pas voulu, je n’ai pas pu vous cacher la cause de cette disposition qu’avec raison vous blâmez en moi. En vous en faisant l’aveu, je puis vous assurer des efforts que je ne cesse de faire pour la changer. Le temps, je l’espère, m’en fera triompher, mais je resterai toujours avec les sentimens de la reconnaissance la plus tendre pour vous, qui avez été et qui êtes ma force.

« Voilà donc cette page que je vais vous envoyer et qui vous fera connaître cette inclination que vous avez soupçonnée, et que je voudrais me cacher à moi-même ! Si je pouvais en même temps vous dire ce qui l’a faite ce qu’elle est, peut-être ne me jugeriez-vous pas trop sévèrement. Hélas ! vous le savez, le cœur est entraîné quelquefois. On doit être plaint quand il ne vous entraîne pas au point de mériter le blâme de ceux qui veulent que les passions soient toujours gouvernées par le sentiment de l’honneur…

« Il y a plusieurs jours que j’ai commencé ma lettre, et vous verrez par ce qui est écrit que je me suis laissé aller à vous faire une confidence qui vous fera bien mal juger de ma raison ; mais, en beaucoup de choses, vous me jugez trop avantageusement, et vos éloges me font trouver coupable de ne pas me faire mieux connaître à vous, cher ami… Je ne veux pas quitter ce sujet sans vous faire une prière, à savoir de ne faire aucune supposition qui puisse être désavantageuse à une personne dont les qualités et les mérites appellent non-seulement la considération, mais l’attachement de ceux qui l’approchent. D’ailleurs, mes sentimens sont nobles et purs, et, quand ils auront plus de calme, ils me feront trouver un avantage dans ce qui m’a trop agité…

« … Je ne ferai que quelques petits tableaux après mes Pêcheurs, et j’irai m’installer tout-à-fait dans le pays où je trouverai le sujet de mes Vendanges. Je m’en promets déjà du plaisir. Je ne tiens pas à m’arrêter à Florence. J’y aurais même bien peu de satisfaction, n’y trouvant plus les personnes que j’aimais le mieux. La princesse Charlotte n’y reviendra pas !… »

Et plus tard : « Je toucherai encore un point dans cette lettre que je crois nécessaire. J’ai répondu à ce que vous désiriez savoir de Florence ; mais je ne vous ai pas dit que, si la personne dont vous m’avez parlé supposait que l’on fît des remarques sur une relation qui n’a rien eu que de très naturel, elle en serait très étonnée. Je vous le dis, cher ami, pour vous persuader que, de sa part, il n’y a aucune envie d’attirer des adorateurs. Sa vie est si simple, ces dames vivent si retirées, qu’on ne pourrait penser ce qui n’est pas, si on les connaissait. Ce que je vous en dis, c’est pour l’acquit de ma conscience. D’ailleurs, je crois