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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/422

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nous accordaient sur d’autres cabinets dont la politique et les antécédens devaient moins leur déplaire.

Après 1830, comme au temps des guerres qui suivirent notre première révolution, la Prusse fut la première à se détacher de la coalition européenne. En vain, par un habile calcul, les négociateurs du congrès de Vienne avaient rapproché les frontières des deux pays, et, par la suppression des petits états intermédiaires, pris soin de ménager entre elle et nous des points de contact et de mutuelle défiance ; en vain le souvenir du partage de la Pologne rattachait la Prusse à l’Autriche et à la Russie par ce lien terrible du commun attentat contre la nationalité polonaise : le vieux roi s’affranchissait chaque jour davantage des préoccupations de sa vie passée et des préjugés de son entourage. Il ne pouvait point ne pas rester fidèle à la cause de l’ancien régime, il entendait bien ne pas céder aux entreprises, d’ailleurs assez faibles, du libéralisme prussien ; mais, sans dévier un instant de la politique seule capable, à ses yeux, d’assurer le salut général, ce monarque, qu’aucune passion n’aveuglait, s’appliquait avec un rare bon sens à calmer les amers ressentimens contre la France, et, par d’habiles égards, par de sincères démonstrations, rendait de plus en plus faciles les rapports entre les deux gouvernemens. La correspondance officielle de M. Bresson, notre ministre à Berlin, nous fournirait mille témoignages de l’excellente position qu’au sein de cette cour aristocratique et guerrière la faveur personnelle du souverain avait faite au représentant de notre gouvernement démocratique. Elle constaterait le crédit dont nous jouissions à Berlin et ferait ressortir les avantages journaliers que nous recueillions d’une confiance réciproque aussi heureusement établie.

A l’époque où nous sommes parvenus, Berlin était moins un théâtre d’action diplomatique un peu vive qu’un poste d’observation. D’ailleurs, le changement survenu dans le personnel de l’administration française avait apporté, dans la manière dont nos affaires extérieures étaient réglées, des différences assez essentielles, et dont il faut rendre compte. Pendant tout le temps qu’avait duré, à l’état plus ou moins latent, l’antagonisme de la France et des trois cours du Nord liguées entre elles, nos ministres des affaires étrangères, et en particulier celui du 11 octobre, avaient jugé opportun de déjouer tout naturellement un si fâcheux accord en évitant de faire de Paris même le siège habituel des négociations importantes. A Paris, en effet, les représentans de la Russie, de la Prusse et de l’Autriche pouvaient rapidement se concerter. Il était fort difficile de traiter isolément avec chacun d’eux ; le grief d’un seul devenait presque infailliblement et bien vite le grief de tous ; les moindres réclamations étaient soigneusement mises en commun et