Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/551

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de légitimation, ce qui, strictement, conférait à Louis XIV le pouvoir de s’absoudre de ses fautes ; après avoir allégué toutes ces circonstances atténuantes, M. de Noailles n’en prononce pas moins une sentence rigoureuse au nom de la morale et de la religion : « Mais le scandale donné par les rois ne se justifie pas aux yeux de Dieu par l’exemple de leur race et par les adulations de leurs peuples. Qui sait si ces fautes ne sont pas entrées pour une part d’expiation dans les maux que nous avons vu fondre sur la famille royale ? » Et il ajoute avec une grande élévation de pensée et de langage : « La Providence a deux justices, celle qu’elle rend en secret, au sortir de la vie, à chacun selon ses œuvres, et celle qu’elle fait éclater au grand jour, en laissant les hommes eux-mêmes en être les ministres, quand de longues fautes ou de grands malheurs commis par les races royales ou par les nations exigent que le monde soit vengé des scandales qu’il a soufferts long-temps. Sans cesse dans l’histoire les rois et les peuples se châtient les uns les autres sous le regard de Dieu, exécuteurs tour à tour de la justice du ciel sur la terre. »

Tout n’est pas de cette gravité. Ainsi M. de Noailles nous montre dans Louis XIV non-seulement le roi majestueux, le politique habile et persévérant, mais l’homme, et, ce qu’on a fait rarement, le jeune homme. Louis XIV se présente d’ordinaire à notre imagination avec une raideur un peu théâtrale, à l’état d’idole, et dans sa vieillesse de grand lama ennuyé à force d’encens et d’adorations ; mais Louis XIV jeune, vaillant, plein d’entrain et de bonne humeur, est un personnage que nous connaissons moins. C’est ainsi que nous le présente en passant M. de Noailles d’après les Mémoires de Mademoiselle. « Le roi arriva, dit-elle, au galop, tout crotté et mouillé, venant du siège (de Montmédy) ; mais, quelque négligé qu’il fût, je le trouvai de bonne mine. Il ne parlait que de ses mousquetaires, de ses compagnies de gendarmes et de chevau-légers, et de leurs belles casaques bleues. — Avez-vous jamais entendu des timbales ? — Oui, lui dis-je, j’en ai entendu. Il me demanda : Et où ? Je me mis à sourire et lui dis avec une mine respectueuse : Dans les troupes étrangères qui étaient avec nous pendant la guerre. J’ajoutai : Le souvenir ne m’en doit pas être agréable ; c’est le temps où j’ai déplu à votre majesté ; je lui en demande pardon ; je le devrais faire à genoux. Il me répondit : Je m’y devrais mettre moi-même, de vous entendre parler ainsi. Il ne faut plus parler du passé. Et nous nous remîmes à parler de la guerre. Il me conta toutes ses campagnes et tout ce qu’il avait fait. Je lui dis : Le roi votre grand-père n’y a pas été si jeune. Il me répondit : Il en a néanmoins plus fait que moi. Jusqu’ici, on ne m’a pas laissé aller si avant que j’aurais voulu ; à l’avenir, j’espère que je ferai parler de moi… Si nous étions à nous disputer, le roi d’Espagne et