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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/631

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112,000 francs affectés à l’encouragement des jeunes artistes, je voudrais voir doubler, tripler cette somme ; mais je voudrais qu’elle fût employée autrement. L’Italie est pleine d’enseignemens ; que les jeunes artistes qui ont donné des preuves de talent aillent donc en Italie aux frais de l’état, mais qu’ils n’y demeurent pas cinq ans, qu’ils ne restent pas si long-temps éloignés de la patrie qui doit un jour les juger. Pour renouveler, pour agrandir leur pensée, deux années suffiraient amplement, et, pour qu’ils reçoivent de l’Italie une éducation vraiment féconde, qu’ils soient affranchis de tout contrôle pendant toute la durée de leur séjour ; qu’ils étudient librement, selon l’instinct de leur imagination ; qu’ils interrogent les monumens de l’art antique ; qu’ils vivent dans le commerce familier des maîtres de toutes les écoles ; qu’ils s’arrêtent à Florence ou à Venise, à Pise, à Padoue, à Rome, sans se demander ce que pensera de leur prédilection pour tel ou tel maître la quatrième classe de l’Institut. S’ils veulent aller chercher à Orvieto, dans les fresques de Signorelli, l’origine du Jugement dernier, ou consulter Giotto à Saint-François-d’Assise, que rien ne les retienne. Si leur goût les appelle ailleurs qu’en Italie, s’ils se sentent attirés vers les maîtres de l’école espagnole ou de l’école flamande, qu’ils visitent les musées d’Anvers et de Madrid, les églises de Gand, de Bruges, de Tolède, de Séville ; qu’ils aillent à leur guise de Van-Eyck à Murillo, de Jean Hemling à Velasquez, de Rubens à Ribeira. Que la France, en mère généreuse, leur ouvre l’Europe entière, rien de mieux : ce n’est pas là de l’argent perdu.

Mais, s’il est juste d’encourager ceux qui entrent dans la carrière, il n’est pas moins juste assurément d’encourager, de récompenser ceux qui ont déjà donné quelque chose de plus que des espérances, qui ont produit un bel ouvrage. Au lieu d’entretenir pendant cinq ans en Italie les élèves qui trop souvent ont montré plus de persévérance que de vrai talent, ne serait-il pas plus sage d’appliquer une partie de cette somme à des œuvres de peinture ou de statuaire dignes d’admiration et d’étude ? Pourquoi n’accorderait-on pas chaque année au plus beau tableau, à la plus belle statue du Salon, un prix de 10,000 francs, par exemple ?

Quant aux architectes, il est clair qu’ils ne peuvent se dispenser de voyager. Les élèves qui auraient fait preuve de savoir et de goût à l’école de Paris devraient donc voyager pendant deux ans au moins aux frais de l’état, et visiter tour à tour l’Égypte, la Grèce, l’Italie, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Espagne, et enfin la France. Ils devraient rapporter de leurs voyages des dessins précis, accompagnés de tous les documens nécessaires pour établir la sévérité de leurs études. De cette façon, en laissant de côté l’Inde, qui n’est pas sans intérêt, mais qui tient dans