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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/670

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goli, Lambruschini, Galeotti. En de telles conjonctures, s’abstenir est un crime de lèse-nation.

Ce n’est pas que ce nom du nouveau président du conseil n’offre des gages considérables de droiture et de patriotisme. Nous avons déjà eu occasion de parler de M. Montanelli. M. Montanelli a toujours combattu au premier rang pour la liberté et l’indépendance de l’Italie. Il a servi son pays de sa plume pendant plusieurs années, et dès que la guerre a éclaté, il a couru en Lombardie avec un empressement que n’ont pas, à beaucoup près, imité M. Mazzini et les républicains auxquels il se rallie aujourd’hui. Blessé et laissé pour mort devant Mautoue, il est resté pendant plusieurs mois aux mains des Autrichiens, et son nom ne réveille en Italie que des souvenirs d’héroïsme et de ferveur libérale. Malheureusement sa candide imagination l’a trop souvent emporté dans le monde des utopies. Le régime des affaires sera peut-être le salut de M. Montanelli. Les collègues de M. Montanelli ne présentent pas les mêmes garanties. Le nouveau ministre de l’intérieur, M. Guerrazzi, n’est connu que pour avoir conduit, l’an dernier, force manifestations dans les rues de Livourne, à la suite desquelles le ministère Serristori, moins timoré que ses successeurs, fit saisir M. Guerrazzi et l’expédia, avec un certain nombre de ses complices, à l’île d’Elbe ; mais ces coups de rigueur sont peu dans les habitudes du pouvoir en Toscane, et l’on aime mieux, d’ordinaire, s’en remettre à la discrétion du parti le plus véhément pour n’avoir pas la fatigue de le combattre.

Le ministère Montanelli a débuté par dissoudre la chambre ; c’était pour lui une nécessité. Il lui faut une majorité. Les nouvelles élections qui sont fixées au 20 novembre la lui amèneront-elles ? Nous aurions lieu d’en être surpris, à moins que d’ici là on ne parvienne à républicaniser les bonnes villes de Toscane, ce qui serait difficile. Il a ensuite publié un programme dans lequel il promet la constituante, et s’engage à faire la guerre. Avec quoi ? Est-ce avec les renforts que lui amène le héros Garibaldi, lequel a fait dernièrement son entrée à Florence à la tête de quatre-vingt-deux hommes ? Comme réforme financière, on a commencé à rogner les traitemens ; expédient qui ne produit pas beaucoup d’argent en aucun pays. Le mérite des collègues de MM. Montanelli et Guerrazzi est aussi ignoré que leur nom ; mais enfin ils constituent ce qu’on appelle là-bas un ministère démocratique. Nous avouons ne pas trop comprendre le sens de cette expression. La démocratie est dans les mœurs et dans les lois en Toscane aussi bien qu’en Lombardie et en Romagne. Il n’y a plus d’aristocratie, de classe privilégiée qu’en Piémont. A moins de substituer la forme républicaine à la forme monarchique, la fameuse constituante n’aura rien à inventer, rien à fonder. Le seul besoin réel et commun à tous les états italiens, c’est celui d’une bonne administration. Le nouveau cabinet renferme-t-il un administrateur, un homme d’affaire ? On n’en sait encore rien. On rencontre à chaque pas, en Italie, des orateurs, des poètes, des avocats et des tribuns ; mais si l’on excepte le Piémont, où ils sont encore peu écoutés, nous ne voyons nulle part des hommes pratiques administrant avec sagesse pour le plus grand bien de tous, des ministres faisant consister la politique dans quelque chose de plus solide que des harangues et dès déclamations. Nous nous trompons pourtant ; il en existe un, et ce n’est point une des moindres preuves de la droite raison et du bon sens exquis de Pie IX, que d’avoir su choisir et conserver ce ministre précieux dans un temps e un pays où ils sont si rares.