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cier en deux jours un emprunt de 250,000 fr., à l’aide desquels le jeune prince a pu rassembler 10,000 hommes de cavalerie, 7,000 fantassins et 24 pièces d’artillerie. C’est à la tête de cette armée, et accompagné de M. Abbott, consul anglais à Téhéran, et de M. Gouseff, attaché à la mission russe en Perse, que Nusser-Ood-Din-Shâh s’est rendu de Tabriz à Téhéran, où il paraît être arrivé juste à temps pour prévenir un mouvement préparé en faveur d’un plus jeune fils de Mahommed-Shâh par le premier ministre Hadji-Mirza-Agassi. Ce ministre a été remplacé par Mirza-Raki, homme considérable dans le pays et déjà connu pour l’habileté qu’il avait montrée dans les conférences d’Erzeroum, lorsqu’il s’était agi de régler l’épineuse question des limites entre la Perse et la Turquie. La Sublime-Porte a secondé, par l’impartialité de son attitude, les intentions pacifiques du nouveau souverain. Il paraîtrait que, pour reconnaître l’éminent service qui lui a été rendu par M. Stevens, le shah aurait, par un firman spécial, placé la population arménienne de Tabriz (80,000 ames) sous la protection consulaire de cet agent britannique. Nous désirons que ce protectorat ne porte aucune atteinte à l’influence française. La presse anglaise se réjouit de ce que le grand changement survenu en Perse se soit opéré sans secousse et sans troubles, dans un moment où les frontières de l’Hindoustan, du côté de l’Indus, sont le théâtre de soulèvemens et de désordres inquiétans. La dernière malle de l’Inde a, en effet, apporté la nouvelle de complications tout-à-fait inattendues dans les affaires du Pandjâb, dans le Moultan en particulier. Sans avoir le caractère de gravité que des informations inexactes leur ont prêté en France et même en Angleterre, ces complications imposent néanmoins au gouvernement de l’Inde anglaise un redoublement de sollicitude et d’énergie. Voici, en peu de mots, à quoi elles se réduisent.

On sait qu’après avoir été deux fois battu par le jeune et intrépide commandant Edwardes, le chef des rebelles du Pandjâb, Moulradj, s’était renfermé dans la ville de Moultan. Cette ville a été investie par des forces considérables sous les ordres du général Wish, parti de Lahore pour attaquer Moulradj. Les opérations du siége avaient été poussées avec une vigueur que ne promettaient pas, il faut le dire, la lenteur et l’incertitude des premiers mouvemens de l’expédition. On s’attendait, dans le camp anglais, à un prochain assaut de la place qu’on se croyait sûr d’emporter, bien qu’elle eût été reconnue plus forte et mieux défendue qu’on ne le supposait, quand le serdar Shère-Single, commandant le contingent sikh, a passé inopinément à l’ennemi avec sept mille hommes et toute son artillerie. Cette défection inattendue a nécessairement dérangé les plans des assiégeans ; elle a déterminé le général Wish à lever momentanément le siége et à prendre position dans le voisinage de Bhawulpour, où il s’est retranché pour attendre les renforts considérables qu’il a demandés et qui lui arrivent de toutes parts. On calcule que plus de soixante mille hommes de bonnes troupes, dont une proportion formidable d’Européens, ont été dirigés sur le Pandjâb ou y sont déjà réunis. La rébellion du Moultan appelle avant tout l’attention du gouvernement suprême. Sur deux autres points, l’un vers Peshaveer au nord-est, l’autre à Nourpour au nord-ouest, des troubles ont éclaté et nécessité des mesures militaires qui paraissent avoir été déjà couronnées de succès. Les forces imposantes qui ont été mises en mouvement sont évidemment plus que suffisantes pour briser en peu de temps toute résistance sérieuse sur les trois points compromis.