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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/674

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inscrire, trente-deux se sont présentés, dix ont été mis hors de concours pour n’avoir pas accompli fidèlement les conditions imposées par le programme. Sur les vingt-deux graveurs dont les ouvrages sont exposés maintenant au musée des Monnaies, il y en a quatre qui méritent une attention sérieuse et que nous pouvons louer sans nous rendre coupable de flatterie : MM. Domard, Barre, Bovy et Oudiné. Il est impossible de regarder les poinçons gravés par ces artistes habiles et qui plus d’une fois déjà ont fait leurs preuves, sans être frappé de l’élégance, de la finesse avec laquelle ils se sont acquittés de leur tâche. M. Domard, qui avait trouvé pour la monnaie du dernier règne un type plein de grandeur et de sévérité, dont le seul défaut est de rappeler trop directement le buste de Vitellius, a gravé deux poinçons pour la monnaie d’argent et la monnaie de cuivre, c’est-à-dire pour la pièce de 5 francs et la pièce de 10 centimes. Ces deux modèles, qui se distinguent l’un de l’autre par de légères variantes, sont traités avec un rare talent. Cependant je préfère la pièce de 10 centimes à la pièce de 5 francs ; dans cette dernière pièce, la coiffure n’a pas toute la simplicité qu’on pourrait souhaiter. Les cheveux disposés sur les tempes ont une souplesse qu’on ne saurait trop admirer ; mais cette souplesse, qui n’est pas sans coquetterie, s’accorde-t-elle bien avec le caractère du visage, où respire une sévérité virile ? Dans la pièce de 10 centimes, le style de la coiffure et des cheveux s’accorde mieux avec le style du visage. Peut-être pourrait-on désirer dans l’expression générale de la physionomie un peu plus de hardiesse. Le masque modelé par M. Domard exprime plutôt la tristesse que la force. Or, étant donné le sujet du concours, quelle que soit d’ailleurs la pensée de l’artiste sur les événemens accomplis, il me semble que la tête doit exprimer la force, la générosité, la grandeur, plutôt que la tristesse, et je n’aperçois ni dans la bouche ni dans le regard l’expression exigée par le programme. Toutefois la pièce de 10 centimes se recommande par tant d’élégance, que je la verrais adoptée avec plaisir.

M. Barre a gravé trois poinçons, la monnaie de cuivre, la monnaie d’argent, la monnaie d’or ; je ne crois pas que le jury chargé de prononcer sur le mérite des concurrens puisse hésiter un seul instant à choisir le poinçon gravé par M. Barre pour la pièce de 5 francs. La coiffure et le profil de la tête rappellent heureusement, mais sans servilité, les plus belles médailles de Syracuse. Les cheveux relevés sur la nuque ont une grace, une élégance, une légèreté qu’il serait bien difficile de surpasser. Les enfans, disposés en couronne sur la tête de la République, sont, à mon avis, une fantaisie ingénieuse. On pourra se demander comment s’ajuste cette couronne vivante ; mais cette objection, dont je ne veux pas contester la valeur dans le domaine des idées positives, ne détruit pas le charme empreint dans l’œuvre de M. Barre. Le sens de cette couronne vivante est si clair, si précis, ces enfans qui se donnent la main et semblent se jouer dans la chevelure de leur mère commune, expriment si nettement la fraternité, c’est-à-dire la partie vraiment divine de la devise républicaine, que la fantaisie de l’artiste sera généralement acceptée sans contrôle. Les rayons qui entourent la tête seraient d’un meilleur effet, s’ils étaient engagés plus avant dans le fond ; mais ce détail est facile à corriger. Le poinçon pour la pièce de 10 centimes, gravé par M. Barre, reproduit, à peu de chose près, le type de la pièce de 5 francs. Dans la monnaie de cuivre, l’auteur, comme pour répondre à l’objection dont je parlais tout à l’heure, a disposé les enfans sur un diadème. Le profil est d’un