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ces illustres citoyens qui réclamaient pour leur pays les bienfaits de la civilisation. Quand on sait une fois où doivent aboutir ces temps d’illusions généreuses, on sent un découragement profond à suivre tous ces efforts glorieux, qui se hâtent aveuglément vers un dénoûment fatal. Ce spectacle flatteur qui excitait les espérances de tout un peuple, qui remuait naguère toutes les aines, n’éveille plus que de stériles regrets ; rien ne survivra de toute cette armée d’élite, qui croyait conquérir des biens assurés. Les chefs disparaissent déjà ; des noms invoqués tout à l’heure par des millions de voix, suivis par tout un peuple comme la colonne lumineuse, vont s’éteindre dans l’oubli. La foule ingrate les remplace par d’autres, qui bientôt auront le sort des premiers. Ils savent maintenant que la destinée n’a point fait d’exception en leur faveur. L’histoire universelle, c’est leur histoire ceux qui marchaient en tête s’arrêtent, parce que, les premiers, ils ont vu le péril et les précipices ; mais en vain ils voudraient retenir cette multitude éperdue qu’ils ont soulevée, elle n’a plus besoin de guide ; peu lui importe où elle va, pourvu qu’elle aille ; qui marche le premier est son chef, il n’est pas besoin d’autres qualités pour l’empire révolutionnaire. Celui qui veut arriver s’informe des chemins, les choisit, s’arrête en route ; qui ne veut que marcher va tout droit et jusqu’à l’abîme. L’histoire appelle les premiers des réformateurs ; les seconds, des révolutionnaires. Nous allons les reconnaître à l’œuvre.


I

La diète de 1825 n’apporta pas à la législation hongroise les modifications profondes qui signalent les diètes suivantes, et surtout celle de 1832-1836 ; mais elle marqua le réveil de l’esprit public. A dater de ce jour, le mouvement et la vie politique, comprimés treize années durant par l’Autriche, reparurent et se firent jour ; il y eut au début une certaine hésitation dans les partis ; entre les voies de l’ancienne opposition nationale et les routes inconnues que s’ouvre l’esprit de la liberté moderne, la Hongrie resta indécise et comme suspendue : allait-elle revendiquer les anciennes franchises de sa constitution, ou se jeter résolûment à la poursuite des nouvelles conquêtes de la civilisation ? Lequel valait mieux, en un mot, la bulle d’or d’André II et ses glorieux privilèges, ou les garanties des chartes modernes, — la liberté de la presse, le droit égal de tous substitué aux privilèges de chacun ? Il y avait doute dans les esprits. Ainsi, après l’invention de la poudre et des armes à feu, plus d’un brave chevalier ne se décida pas sans regret à quitter sa fidèle rondache et sa lance éprouvée pour les pistolets et l’arquebuse. Le temps a marché : les vieilles armures féodales