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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/682

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et les femmes ont été les plus ardentes à cette guerre nouvelle. De cet état des esprits résulte une grande gêne pour la liberté sérieuse des opinions. Il en est d’un préjugé national comme du point d’honneur dans le monde qui ne le sentirait pas n’en serait pas moins contraint de lui rendre hommage et d’y conformer sa conduite. J’ai vainement cherché un Hongrois de quelque valeur qui osât s’avouer partisan du gouvernement autrichien ; souvent, après une longue conversation avec quelque député qui venait de me parler vivement contre l’esprit turbulent de la seconde chambre, qui avait fait bon marché des vices de la constitution, — voilà enfin, me disais-je, un partisan de l’Autriche. — Allant plus au fond, j’ai toujours trouvé une répugnance instinctive peu accessible au raisonnement ; même en votant pour le gouvernement autrichien, on se défendait de porter ses couleurs.

C’était là la plus grande force et la seule chance qui restât au vieux parti de la constitution. La constitution était un mot d’ordre contre le gouvernement étranger. Tel Hongrois, réformateur à Pesth, souffrait impatiemment qu’on attaquât à Vienne la législation de son pays ; il y voyait la garantie de son indépendance.

Cette garantie, à vrai dire, était plus apparente que réelle, car le gouvernement autrichien conservait des droits qui en atténuaient fort la valeur. Dans un gouvernement représentatif régulier, quand l’opinion nationale s’est manifestée, force est bien au pouvoir exécutif de s’y conformer. Ici, rien de semblable : le parlement, en Hongrie, n’a point, même en théorie, d’action légale pour faire prévaloir sa volonté ; il ne peut pas changer la direction du pouvoir exécutif, car il n’a aucun moyen de renverser ou de modifier ce pouvoir. Ce pouvoir est indépendant de lui et échappe à son action ; les majorités les plus considérables, les remèdes les plus énergiques n’y feraient rien. Rejetez-vous les demandes de subsides, le gouvernement peut faire face à ses besoins avec les ressources de ses autres états ; rappelez-vous les soldats qui sont sous les drapeaux, il garnira de soldats étrangers les forteresses et les frontières du royaume. Vous aurez beau faire et élever des fictions constitutionnelles, l’empereur Ferdinand Ier viendra toujours en aide au roi Ferdinand V. C’est ce qui explique, car il faut être juste envers tout le monde, comment les mécontentemens, en Hongrie, prennent si vite le caractère de la rébellion. Quand un droit est reconnu, proclamé hautement, et qu’il manque cependant de la sanction nécessaire à son exercice, il y a entre le droit et le fait une contradiction qui exaspère les imaginations et les pousse aux résolutions extrêmes. En retour de tels sentimens, comment le gouvernement autrichien aurait-il pu avoir pour la Hongrie l’affection ou la confiance qu’il témoignait aux états héréditaires, à la Bohême ou au Tyrol ? Il