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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 24.djvu/733

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des peuples dont ils émanent et de l’importance relative des peuples conquérans et des peuples conquis. Le gouvernement des Indes anglaises dispose d’immenses ressources, et son influence souveraine s’étend sur une masse compacte d’états civilisés depuis des milliers d’années et sur deux cents millions d’ames. Il se distingue par une ampleur de formes, une libéralité somptueuse dans son administration, une décision et une certaine grandeur dans l’emploi de ses moyens d’action, auxquelles le gouvernement colonial néerlandais ne saurait prétendre, encore moins celui des Philippines. La mission du gouvernement des Indes anglaises est la plus importante, la plus difficile sans doute : a-t-il rempli tous les devoirs qu’elle lui impose ? a-t-il pleinement réussi à se ménager les sympathies des populations qu’il dirige ? pourra-t-il compter sur leur appui aux heures d’épreuve que la Providence tient en réserve pour les conquérans ? Ce sont des questions qu’il doit nous suffire de rappeler au moment de montrer le gouvernement des Indes néerlandaises luttant avec plus de bonheur contre des complications de même nature, quoique moins redoutables. A Java, en effet, le triomphe pacifique de l’influence européenne ne paraît point douteux, et ce succès n’est pas dû seulement, il faut le reconnaître, au caractère facile, insouciant et doucement résigné de la population indigène ; il honore aussi et surtout la sagesse et la prévoyante libéralité des dispositions législatives que la Hollande a successivement adoptées dans l’intérêt de ses colonies.


I

Les formes du gouvernement des Indes néerlandaises ont varié suivant les circonstances commerciales et politiques qui ont dominé, à diverses époques, les entreprises maritimes des grandes nations européennes. Java et ses dépendances ont obéi successivement : — à une association de marchands qui ne songeait qu’aux bénéfices du commerce et aux avantages du monopole, et qui plaçait à bord de ses flottes le chef-lieu de ses comptoirs aux Indes orientales ; — à une compagnie qui, avec le concours et sous le contrôle du gouvernement de la mère-patrie, s’est préoccupée du développement du commerce, mais a été obligée de gouverner en même temps comme puissance territoriale ; — enfin, au gouvernement batave et, plus tard, au roi des Pays-Bas, investi par la constitution de l’administration supérieure et exclusive des colonies.

Ces phases par lesquelles a passé l’administration des Indes néerlandaises sont analogues à celles qui ont marqué le développement de la puissance anglaise dans l’Hindoustan. L’histoire des compagnies anglaises et hollandaises est la même. Dans l’un et l’autre pays, des compagnies rivales, nées de l’ardent désir d’exploiter un commerce lucratif,